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La préparation des sujets doit avoir lieu quelques jours avant le greffage, parce que la suppression de plusieurs rameaux occasionne un ralentissement dans le cours de la sève, qui peut nuire à la réussite de l’opération.

On greffe en écusson à l’époque de l’ascension des deux grandes sèves, savoir, au printemps et au commencement de l’automne. Ces instans s’annoncent bien visiblement par le développement des bourgeons au printemps, et par la croissance de nouvelles feuilles à l’automne. On s’en assure encore d’une manière plus directe, en examinant si l’écorce des arbres quitte facilement le bois, et si celui-ci est couvert d’une légère couche d’humeur visqueuse.

Après quinze ou vingt jours que les écussons ont été posés, et qu’il commence à se former un bourrelet au dessus de la ligature, il convient de la desserrer, pour qu’elle n’étrangle pas l’arbre et n’occasionne pas la rupture de la tige qui lui est supérieure. Le nœud coulant par lequel on a dû terminer cette ligature est bien nécessaire dans cette circonstance, et économise beaucoup de temps. On déroule le fil de laine, pour le rétablir d’une manière moins serrée, et seulement pour contenir les parties et les abriter du contact de l’air.

Lorsque la greffe a bien poussé, on coupe la tête du sauvageon sur lequel elle a été posée. Il est quelques variantes sur la manière de faire cette opération.

Les uns coupent la tête à quelques lignes au dessus de l’œil, et donnent, pour raison de cette pratique, que le bourrelet est moins saillant, et que la tige en devient plus droite sur son tronc. Cela est vrai.

Les autres coupent la tige du sujet à quatre à cinq pouces au dessus de l’écusson, et donnent pour motifs, que cette extrémité leur sert de tuteur pour attacher le jeune bourgeon produit par l’œil de la greffe, et l’empêcher d’être décollé par le vent. Ce motif est bon, et mérite d’être pris en considération. Ainsi chacun de ces opérateurs a de bonnes raisons pour suivre sa pratique.

Il est une troisième classe qui, profitant des avantages des deux procédés, font disparoître leurs défauts. Ils commencent par couper la tête de leurs sujets à cinq pouces au dessus de la greffe, pour arrêter la sève et la faire passer dans son bourgeon. Ils se servent de cette espèce de chicot pour faire un tuteur à leur jeune bourgeon. L’année d’ensuite, ils suppriment ce chicot au dessus de la greffe, et les deux buts sont remplis. La tige se dresse sur son pied, et le bourrelet ne déforme pas la tige de l’arbre.

On remplace le chicot par un tuteur d’une dimension proportionnée à celle du bourgeon qui, alors, a quatre à cinq pieds de long.

L’ébourgeonnage des sujets greffés mérite de la surveillance, pour ne pas laisser croître au dessus de la greffe une grande quantité de jeunes branches qui, dévoyant la sève de la greffe, l’empêcheroient de profiter, ou même la feroient périr d’inanition. Il faut visiter les sujets greffés de temps en temps, et supprimer tous les bourgeons qui paroissent sur la tige. Cette opération se fait très-vite, puisqu’il ne s’agit que d’empoigner la tige du sujet au dessous de la greffe, et de promener la main ainsi fermée de haut en bas pour décoller tous les petits bourgeons qui commencent à percer sur le tronc.

Ce qui vient d’être dit convient à toute la division des greffes à écusson : les diverses espèces et variétés offrent quelques différences dont on va traiter successivement.

Lorsqu’on ne place qu’un œil sur un sauvageon, cela s’appelle greffer à écusson simple. C’est ce que l’on pratique le plus ordinairement dans les pépinières, où l’habitude de cette sorte de greffe et l’habileté des greffeurs les rendent d’une sûreté telle que, sur cent, il en manque souvent moins de dix. Cependant il est des accidens occasionnés par des causes météorologiques, indépendantes du greffeur, qui rendent beaucoup plus incertaine la réussite des greffes ; tels sont les vents secs qui, arrêtant tout à coup la circulation de la sève, empêchent l’union de la greffe au sujet, et font périr celle-ci. Dans ce cas, il convient d’arroser abondamment les sujets nouvellement greffés, si l’on en a la possibilité : on rétablit ainsi la circulation de la sève. Quelquefois de petites chenilles ou d’autres larves d’insectes rongeant l’œil de l’écusson, en rendent ainsi la greffe inutile ; le seul moyen à employer est de tuer ces insectes. Ces divers accidens ont engagé les cultivateurs à placer plusieurs écussons sur le même sujet, lorsqu’ils attachent beaucoup de prix à la multiplication d’arbres rares.

Il est quelques espèces d’arbres, sur-tout parmi les étrangers, dont le bois est dur, tels que les fusains, les houx, les orangers, etc., aux greffes desquels il ne faut laisser que le moins d’aubier possible. Après avoir levé l’œil de dessus le rameau avec la pointe du greffoir, on coupe tout le bois qui le portoit avec la