Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/177

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l’extrémité de ces coins, lorsqu’au bout de la haie où l’on se proposoit de tendre l’araignée il se rencontroit des arbres ou arbustes assez forts, et placés de manière à ce qu’on pût de l’un à l’autre tendre le filet convenablement. Mais comme cette rencontre doit être rare, on se précautionnoit habituellement d’une ou de deux perches légères, de six pieds environ, que l’on fichoit en terre, et que l’on entailloit par le haut pour recevoir les coins ou triquets. L’enfoncement de ces coins devoit être proportionné au double but de pouvoir soutenir, tout juste, le poids du filet et de céder d’ailleurs au moindre mouvement, de manière qu’un oiseau, en s’y jettant, le fît tomber et s’y trouvât enveloppé. Cette tendue ne pouvoit se faire par le vent ; on poussoit les oiseaux vers l’araignée en faisant une battue dans les haies et buissons environnans. Il paroît qu’aujourd’hui on a abandonné ce filet, comme d’un service vétilleux et peu productif. Dans les ateliers de M. Clavaux, on fait aujourd’hui les araignées contre-maillées, c’est-à-dire, à trois nappes, comme le rafle dont elles ne diffèrent qu’en grandeur. Ces araignées ont dix pieds de long, douze au plus, sur sept de hauteur. Les aumées à mailles carrées et de trois pouces de large sont de fil fin retors à trois brins ; la toile à mailles en losange et de neuf lignes de large, n’est que de fil à deux brins, moitié plus fin que celui des aumées. Ces filets doivent être teints en vert ; on en voit cependant de teints en brun. Ils se montent sur deux perches comme le rafle ; deux hommes le portent et le gouvernent. On le porte avec succès pendant le jour, aux environs des vignes et de tous les endroits qui offrent aux rives les fruits ou baies dont elles sont friandes, ainsi qu’aux entrées des bois où elles se retirent. Si l’on connoît un canton où elles trouvent une moisson abondante, et où elles aiment à se jeter, plusieurs traqueurs peuvent se réunir pour le battre, en cherchant à rassembler entr’eux les oiseaux et les pousser vers quelque passage abrité, où les deux porteurs de filets puissent se mettre en embuscade. Lorsque les oiseaux traqués d’abord doucement sont près du passage, on les y pousse brusquement, et les porte-filets, présentant l’araignée obliquement à leur vol, y enveloppent une grande partie de la bande qu’on leur a amenée.

La grive est un gibier très-estimé : nil melius turdo, disoit Horace. La chair de cet oiseau est délicate et saine, recherchée même pour les convalescens, comme de facile digestion, et produisant de plus un suc qui s’élabore bien et propre à fortifier l’estomac. On lui attribue aussi une vertu antiépileptique. Je m’étonne, d’après le prix qu’on y attache, qu’on n’ait point fait en France un objet de spéculation de la méthode d’élever et d’engraisser les grives, qui se pratiqua chez les Romains, lorsque l’art de multiplier les jouissances y fut devenu l’occupation des vainqueurs du monde. La grive, se pliant aisément à la domesticité, étoit, pour ainsi dire, parquée avec des merles et avec plusieurs autres oiseaux recherchés, pour prendre dans des volières préparées exprès, une nourriture choisie et une graisse succulente qui la rendoit en peu de temps digne de chatouiller le palais des gourmands de Rome. Je vais terminer cet article en exposant succinctement en quoi consistoit ce procédé, si par hasard l’essai en tentoit quelques amateurs.

On rassembloit une multitude d’oiseaux dans de longues galeries voûtées, tapissées de feuillages, peu éclairées, n’ayant point vue sur les bois ni les campagnes, et traversées d’un filet d’eau fraîche. On prenoit des précautions pour que les habitans libres de l’air n’en appro-