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pouillées plus ou moins complètement de leurs enveloppes extérieures, de leur bâle florale, par une espèce de mouture qui les réduit à l’état d’une poudre grossière. J’en ai trop peu dit à cet article, pour ne pas rendre un supplément nécessaire. La manière d’employer aujourd’hui les gruaux tient encore à l’usage que nos premiers païens firent des farineux ; elle consiste à les délayer et à les cuire dans un véhicule approprié, d’où résulte, toutes choses égales d’ailleurs, un potage différent, pour le goût et pour l’aspect, de celui qu’on obtiendroit du même grain, si, au lieu de le concasser seulement, on le réduisoit à l’état de farine ; cette différence dans la qualité du mets dont il s’agit s’explique aisément. On croit toujours que l’art de moudre n’opère aucune décomposition dans les substances végétales qui en sont l’objet ; cependant, ce qui vient d’être remarqué, et les observations que j’ai été à portée de faire sur les effets de la mouture économique, sont absolument contraires à cette opinion : il est démontré que le blé contracte, chaque fois qu’il passe sous les meules, un commencement d’altération qui paroît s’exercer particulièrement sur le principe de la sapidité et sur la propriété qu’a la farine d’absorber plus ou moins d’eau au pétrin.

Il seroit difficile que cette remarque échappât dans la préparation de nos potages les plus estimés.

La semoule, c’est-à-dire, le grain ou l’amande du froment, qui a subi une première mouture, étant cuite avec un fluide quelconque, a plus de goût et un aspect autre que la même semoule réduite à l’état de farine, et préparée de la même manière.

Les boulangers de Gonesse employoient à la fabrication de leur pain, si renommé autrefois à Paris, les gruaux bruts de froment ; mais, dès la veille de la fournée, ils avoient soin de les humecter pour les faire crever, disoient-ils, et les disposer le lendemain à l’opération du pétrissage.

C’est en Helvétie et en Allemagne que les potages à l’orge gruée sont en grande faveur. On les prépare avec un fluide approprié selon les circonstances, les ressources locales et les facultés des consommateurs : tantôt le lait, le bouillon ou la bière leur servent d’excipient ; tantôt c’est l’eau simplement assaisonnée avec un peu de beurre, de lard ou de graisse ; mais il faut pour tous une cuisson lente, modérée, sans quoi le comestible conserve une saveur et une odeur désagréables de colle farineuse, et une consistance gluante.

Les semences légumineuses sèches, même dans leurs gousses ou siliques, ne perdent ce goût de verdeur, ce goût sauvageon qui leur appartiennent, que par une longue cuisson à grande eau : aussi toutes les recettes de pain dans lesquelles on fait entrer de la vesce, des lentilles, des haricots, des pois des champs, ne présentent-elles que des résultats défectueux, parce que le fluide qui en constitue la pâte s’y trouve en trop petite quantité, pour leur enlever ce goût désagréable que la fermentation développe encore davantage ; il vaut donc mieux les consommer, ces graines, soit naturellement dans leur état d’intégrité, ou sous forme de purée, quand elles sont la seule ressource alimentaire du canton, plutôt que d’en faire un pain mauvais et coûteux.

On ne sauroit employer non plus trop de soins pour séparer de l’orge, dans l’opération qui monde ce grain, la totalité de l’écorce qui se trouve dans la rainure, sans quoi elle nage dans le potage, adhère au palais, et devient très-désagréable pour les organes de la mastication. Dans le nombre des grains