Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/180

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que l’orge pourroit remplacer avantageusement, j’en citerai un dont il seroit utile de restreindre la culture, parce qu’il contient peu de farine, beaucoup de matière farineuse, et plus encore d’écorce : c’est l’avoine, déjà remplacée dans beaucoup d’endroits par l’orge, qui procure une nourriture plus abondante, soit pour l’homme, soit pour les animaux, et dont la valeur dans le commerce est toujours supérieure à celle de l’avoine, sans compter que toutes les fraudes mises en usage pour donner à ce grain, aux dépens de ses qualités intrinsèques, une belle apparence marchande, sont impraticables pour l’orge ; mais la réputation de l’avoine comme gruau paroît trop bien établie, pour ne pas indiquer ici la manière dont on l’obtient.

On prend ordinairement de l’avoine blanche qu’on fait sécher au four ; lorsqu’elle l’est suffisamment, on la vanne, on la nettoie, et on la porte au moulin, dès que les meules sont fraîchement piquées. Le meunier a soin de les tenir un peu éloignées, afin qu’elles n’écrasent pas le grain, et que celui-ci conserve la forme de riz ; par ce moyen, elles enlèvent la totalité de la pellicule : quarante-huit kilogrammes (100 liv.) d’avoine ne donnent guères au delà de vingt-quatre kilogrammes quarante-huit décagrammes (50 liv.) d’avoine gruée.

Les auteurs qui ont avancé que les grains provenant des pays froids, contenoient proportionnellement plus de substance amylacée que de matière muqueuse, parce que, disent-ils, la chaleur du climat ne pouvoit pas si bien assimiler toutes les parties de la sève, se sont bien trompés ; car l’analyse que j’ai faite, il y a trente ans, des farineux dont l’homme fait sa nourriture fondamentale, m’a prouvé que l’amidon et le sucre dominoient dans les graminées du Midi, tandis que la matière muqueuse, extractive, et corticale, étoit plus abondante au Nord ; ce qui donne par conséquent aux blés de ces contrées une pesanteur spécifique moins considérable.

Considérée sous les rapports de la culture, l’avoine présente encore plus d’inconvéniens que l’orge ; ses ennemis dans les champs et au grenier sont aussi plus nombreux. Une récolte passable de ce grain vaut mieux qu’une riche en avoine, dont la nourriture, comme l’on sait, n’est tolérable que sous forme de gruau.

Il paroît que l’avoine n’a pas été employée comme nourriture pour la cavalerie romaine ; c’étoit l’orge. Aussi, dans les climats où l’on cultive cette dernière pour la nourriture des chevaux, ces animaux sont fort estimés ; tous les voyageurs rapportent qu’en Espagne, en Andalousie, en Mauritanie, en Arabie, en Tartane, on ne leur donne que de l’orge au lieu d’avoine, et que ce sont les meilleurs que l’on connoisse.

L’avoine occupe un rang distingué parmi les plantes céréales ; et quoique, suivant l’observation de mon estimable collègue Tessier, qui a donné sur cette culture une excellente instruction, on en compte plus de dix-huit variétés, c’est toujours un grand malheur pour un pays, que ce grain y soit le premier objet de culture, quand ce seroit l’espèce blanche, l’avoine de Hongrie, réputée avec raison pour la plus féconde et la plus alimentaire qu’on préféreroit : elle est d’ailleurs d’un meilleur produit en paille et en grains, et moins sujette au charbon.

Cependant, tant qu’on ne voudra pas renoncer à l’usage de l’avoine pour les chevaux, je doute que les fermiers se déterminent à abandonner sa culture, parce que le bénéfice qu’ils peuvent en retirer les arrêtera toujours ; mais je déclare que la masse de la subsistance