Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/206

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comme son patriarche et son oracle ; d’Olivier de Serres, dont l’ouvrage immortel du Théâtre d’Agriculture, renferme un long chapitre consacré aux soins qu’exigent les garennes et les lapins.

Je m’abstiendrai néanmoins de m’étendre autant qu’Olivier de Serres, au sujet des garennes libres, les seules dont l’agriculture puisse éprouver des dommages. Quoiqu’il ne soit pas impossible de restreindre la propagation des lapins livrés à la nature et à la liberté, au point de rendre peu sensibles les dégâts qu’ils peuvent occasionner dans les forêts et les campagnes ; quoique j’aie vu de très-beaux bois dans lesquels les lapins étoient communs, je conviendrai que les garennes non closes sont, généralement parlant, funestes aux moissons, aux arbres et même aux vignes, à moins qu’on ne les place dans les landes, les bruyères, sur les montagnes ombragées et dont le sol se compose de roches et de sable, au milieu des dunes de la mer, et par-tout où la culture ne peut fixer la fertilité. Ces terrains ingrats, perdus pour l’agriculture et pour leurs propriétaires, offriroient des produits abondans si on les couvroit de lapins ; c’est ainsi que plusieurs cantons de la Hollande et de l’Irlande, qui sembloient sacrifiés à une éternelle aridité, sont devenus une source de richesses.

Les calculs que fait Rozier pour tâcher de prouver que les garennes ouvertes sont d’un mince produit, manquent d’exactitude ; il les repète aux mots Clapier et Garenne du Cours, en rapportant, dans ces deux articles, un des traits nombreux qui font honorer la mémoire de M. le cardinal de la Rochefoucauld, archevêque de Rouen. Cette répétition avoit déjà frappé M. Luneau de Boisjermain, auteur d’un Traité sur l’Éducation des Lapins, ou de l’art de les loger dans des garennes domestiques, de les nourrir et multiplier, de soigner leurs petits, d’améliorer leurs races, et de les rendre aussi bons et aussi agréables à manger que les lapins de garenne. Paris an 7, ou 1799 ; et il s’est chargé, avant moi, de la réfutation d’un paradoxe qui, sous la plume de Rozier, ne peut manquer d’obtenir beaucoup d’influence sur l’opinion, et de détourner d’une branche d’industrie aussi agréable que lucrative.

« Le Dictionnaire d’Agriculture de l’abbé Rozier, dit M. Luneaude Boisjermain, répète, aux mots Clapier et Garenne, que le cardinal de la Rochefoucauld avoit une garenne auprès de Gaillon, affermée 13.000 liv., et que ce prélat l’ayant fait détruire pour faire cesser les clameurs de tous les cultivateurs qui l’entouroient, l’année de cette destruction, la dîme qu’on payoit au cardinal augmenta de 1000 liv.

» L’auteur conclut de ce fait, que je n’ai aucun intérêt de lui contester, que la pâture des lapins de cette garenne enlevoit aux cultivateurs 9000 livres de leur récolte, puisqu’au moment où les lapins ont cessé de pâturer, les champs, qui leur étoient abandonnés, ont produit une dîme de 1000 livres, dixième de 10.000 liv.

» L’auteur de ce Dictionnaire auroit dû faire, sur le fait qu’il annonce, les observations suivantes :

» Pendant que la garenne du cardinal de la Rochefoucauld a existé, il a eu un revenu de 13.000 liv. produit par-elle ; ce revenu lui étoit payé par les fermiers qui affermoient ce droit.

» À l’instant où la garenne a été détruite, le cardinal de la Rochefoucauld n’a plus retiré de ce fonds 13.000 liv. de revenu, mais 1000 liv., payées en dîmes levées sur le terrain soumis auparavant au droit de garenne.

» Selon le calcul de l’abbé Rozier, les cultivateurs qui entouroient la garenne du cardinal de la Rochefoucauld