Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/258

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poli, l’ébénisterie pourroit également s’en servir ; et M. Puymaurin remarque qu’il est excellent pour faire cette pièce de bois traversant par-dessus la tête des bœufs, et avec laquelle ils sont attelés, pour tirer ou pour labourer, et qu’on connoît sous le nom de joug.

À l’égard de son fruit, tant de fois examiné et toujours délaissé, il n’y a pas de doute que si, pour le rendre propre à quelques usages communs, il falloit préalablement en opérer la décomposition, les résultats qu’on en obtiendroit ne pourroient jamais compenser les frais des opérations employées. Sans doute le marronnier d’Inde produit assez constamment une récolte abondante ; mais cette abondance ne deviendra-t-elle pas illusoire, dès qu’on aura donné à ce fruit une application véritablement utile, et n’acquerra-t-il pas insensiblement une valeur, en raison de sa consommation et de la quantité qui existera ? Or, il paroît que la mauvaise qualité de son bois, la malpropreté de ses feuilles, qui ne peuvent pas braver une sécheresse prolongée pendant un mois sans tomber, enfin l’importunité et l’inutilité de son fruit, ont fait beaucoup négliger la culture du marronnier d’Inde, depuis sur-tout que l’on a tiré tant de nouvelles espèces d’arbres des contrées d’où il est originaire ; il ne figure plus dans les nouvelles plantations dont on s’occupe maintenant.

Néanmoins, malgré le discrédit où semble être tombé le marronnier d’Inde, quoique son fruit puisse entrer dans le régime des animaux, sans demander d’autres soins que de le découper, pour en favoriser la mastication, nous proposerons deux moyens bien simples pour en étendre l’utilité : le premier se réduit à le sécher, à le moudre, et à donner à la farine qui en résulteroit, la forme et les propriétés d’une colle capable de suppléer celle préparée avec les bons grains. Elle adhère fortement aux corps auxquels on la fixe, et loin de se ramollir à l’air, elle y acquiert plus de consistance, sur-tout si on a eu la précaution de ne pas tenir cette colle trop claire dans sa préparation.

On a objecté, à la vérité, que la colle de marrons d’Inde, sous le prétexte qu’ils renferment une matière animale, deviendroit en peu de temps la pâture des vers ; mais sans examiner si ce reproche est fondé sur quelques observations, puisque la farine de froment n’en seroit pas même à l’abri, par rapport à la matière glutineuse qu’elle renferme, je répondrai que cette colle possède en même temps une substance amère capable de la garantir d’un pareil inconvénient. Ne sait-on pas qu’il y a des relieurs et des fabricans de cartons qui font entrer, dans la préparation des colles qu’ils emploient, le suc épaissi d’aloès, à dessein précisément d’en éloigner les vers ? Or, cette substance extractive, résineuse, amère, analogue à l’aloès, que le feu semble développer encore davantage, opérera un effet analogue d’une manière plus-intense.

Ce n’est pas seulement dans les marrons d’Inde qu’il est possible de rencontrer l’amidon qui fait la base de la colle végétale ; une foule de plantes incultes en contiennent plus ou moins abondamment, et procureroient, si on pouvoit les employer, une épargne sur la nourriture fondamentale : ce sont les racines d’aristoloche, de belladone, de bistorte, de bryone, de pied de veau, de concombre sauvage, de filipendule, de colchique de fumeterre bulbeuse, de glayeul, de l’ellébore, de l’impératrice, de la jusquiame, de la mandragore, de l’herbe aux hémorroïdes, de la patience, du persil, de la pivoine, de la renoncule bulbeuse, de la scrophulaire, de la saxifrage des prés, etc. etc.

Il résulteroit de toutes ces matières préparées à l’instar de la farine de pommes