Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/266

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été introduits en divers pays ; succès qu’on a obtenus dans leur éducation. Les raisons d’intérêt public et particulier, que nous avons exposées, suffisent pour faire sentir au lecteur combien il importe de se livrer à l’éducation des mérinos. Mais, comme beaucoup de personnes tiennent encore aux anciens préjugés, sur-tout dans les départemens, où l’instruction est plus difficile, nous croyons utile d’exposer sous les yeux du lecteur une courte analyse de ce que nous avons dit dans notre Histoire de l’introduction des moutons à laine fine d’Espagne, relativement aux époques où ces animaux ont été introduits en divers pays, et aux résultats heureux qu’on a obtenus dans leur éducation.

À l’époque où une cour corrompue ne s’occupoit, en France, qu’à fomenter les arts de luxe, qui ruinent les nations, et sont les précurseurs de leur décadence, la Suède, moins brillante, mais plus sage que la France, s’efforçoit à améliorer son agriculture, et introduisoit, en 1715, les moutons d’Espagne, pour relever ses propres races. On fit venir, en 1723, un troupeau de mérinos ; et l’on parvint à naturaliser et à propager sous un climat austère une race qui sembloit ne pouvoir se maintenir hors des pays chauds. Le gouvernement suédois encouragea cette introduction ; il donna des primes et institua une école de bergers. L’éducation des mérinos s’est accrue en Suède, depuis cette époque, et elle a pris toute l’extension que les besoins du pays, ont exigée, ou que les circonstances physiques et politiques ont pu permettre. Nous avons vu plusieurs troupeaux de mérinos en Suède, et nous nous sommes convaincus que leurs laines possédoient toutes les qualités exigées pour la fabrication des beaux draps. Il s’y trouve cependant quelques troupeaux dégénérés ; mais cette dégénération tient à des causes qui ne sont pas particulières à la Suède, et dont nous parlerons plus bas.

Les Norwégiens tirèrent d’Espagne, vers 1750, quelques béliers qui ont servi à améliorer les races indigènes. Les Danois s’occupèrent plus tard de ce genre d’industrie. Ils commencèrent par faire venir de Suède quelques mérinos ; le succès qu’eut l’éducation de ces animaux, engagea le gouvernement danois à tirer, en 1797, trois cents mérinos d’Espagne, qui étoient en très-bon état lorsque nous les avons vus, et qui n’ont cessé de prospérer depuis cette époque.

La Haute-Saxe est, après la Suède, le pays où l’introduction des mérinos a eu lieu le plus anciennement ; et c’est en Saxe où cette naturalisation a obtenu les succès les plus marqués, et produit les résultats les plus avantageux. La première époque a été en 1765, et la seconde en 1770. Le gouvernement, aux frais duquel elle fut faite, tira chaque fois trois cents mérinos ; il forma divers établissemens où l’on devoit soigner l’éducation de cette nouvelle race. Le nombre des moutons de race pure s’élevoit, dans ces établissemens, à l’époque où nous voyagions en Allemagne, à trois mille quatre cents individus ; c’est de là qu’ils se sont répandus dans le reste de la Saxe. On trouve, dans ce pays, peu de cultivateurs qui ne possèdent un troupeau de mérinos, ou qui n’aient amélioré les races indigènes par des croisemens.

Ces animaux produisent non seulement la quantité de laines nécessaires à la fabrication des draps fins du pays, mais ils fournissent en outre un superflu égal à la consommation intérieure.

Frédéric II, qui ne s’est pas uniquement rendu célèbre par ses talens militaires, mais qui avoit aussi le bon esprit de protéger l’agriculture, fit venir d’Espagne, en 1786, trois cents mérinos : les animaux ayant été mal soignés,