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nir chez eux les vingt-cinq millions de francs qu’ils emploient, chaque année, à l’achat des laines nécessaires à la fabrication de leurs draps. Il n’y a que treize ans environ qu’on a introduit des mérinos en Angleterre ; mais les efforts des sociétés et des particuliers prouvent que l’esprit public se porte vers ce nouveau genre d’industrie ; les succès qu’on a obtenus font croire que les mérinos s’y multiplieront ainsi qu’ils l’ont fait ailleurs. Le roi d’Angleterre a un beau troupeau de race pure d’Espagne, qui lui appartient en propre ; il seroit à désirer que les chefs des autres nations imitassent cet exemple. Ce seroit le moyen de donner un grand encouragement à l’une des branches les plus importantes de l’économie rurale. Il nous reste à parler de l’introduction des mérinos en France.

§. IX. Historique de l’introduction des mérinos en France, et des établissemens de Rambouillet, de Perpignan, d’Alfort et de Pompadour. On avoit pressenti depuis bien long-temps les avantages que devoit procurer à notre agriculture et à notre commerce l’amélioration des bêtes à laine. Colbert est le premier qui se soit occupé de cette branche importante de l’économie nationale. Ce ministre avoit formé le dessein d’améliorer les races françaises, en tirant d’Espagne ou d’Angleterre des races plus parfaites que celles qu’on élevoit dans le royaume à cette époque. Si les vues de Colbert étoient utiles et réfléchies, elles étoient neuves ; et, par conséquent, elles trouvèrent des contradicteurs qui s’opposèrent à leur exécution.

Le projet de l’amélioration des races a été repris à différentes époques, ainsi qu’on le voit par les écrivains du temps.

On fit, vers le milieu du siècle dernier, dans le parc de Chambord, des essais qui eurent des résultats heureux, ou qui, du moins, excitèrent l’attention du public, et préparèrent les moyens qui nous ont conduits au point d’amélioration où nous sommes enfin arrivés.

On s’occupa, depuis lors, de l’amélioration des laines, avec un nouveau zèle et un plus vif intérêt. Il parut enfin un observateur habile et judicieux, Daubenton, qui s’est livré avec autant de succès que de persévérance à l’éducation des races à laine fine. Ce fut par son conseil que M. de Trudaine fit venir des béliers et des brebis d’Angleterre, de Maroc, du Thibet et d’Espagne.

Les améliorations que Daubenton obtint par le croisement de ces différentes races avec les races communes, engagèrent M. de Trudaine à tirer d’Espagne, en 1770, un troupeau de mérinos. Ce troupeau, le premier de race espagnole venu en France, étoit composé de deux cents bêtes, qui furent réparties entre plusieurs particuliers de différentes provinces. Les individus provenus de ce troupeau ont presque tous dégénéré par la raison qu’on ne leur a pas donné les soins nécessaires.

Quelques propriétaires ont, depuis cette époque, tiré des moutons d’Espagne. Mais en 1786, M. d’Angivilliers, gouverneur de Rambouillet, fit venir 367 mérinos qui furent placés dans le parc de cette ancienne maison royale, où leurs descendans existent dans ce moment. C’est de ce troupeau, choisi avec beaucoup de soin, qu’est provenue la majeure partie des mérinos, ou des métis qui se trouvent aujourd’hui en France.

Le troupeau de l’établissement de Rambouillet est composé de cinq cent trente individus. Les cultivateurs qui désirent de former des troupeaux de race choisie ne peuvent mieux se pourvoir qu’à la vente publique qui a lieu, chaque année, dans cet établissement,

On a formé à Rambouillet une école de bergers, où l’on instruit des jeunes gens dans l’art de soigner les troupeaux.