Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/320

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La loi du 24 nivose an 5 n’ayant imposé les chevaux étrangers qu’au droit de quinze centimes par cent francs de valeur, les douanes n’ont consigné depuis que la valeur déclarée et non le nombre ; ainsi, en il est entré des chevaux
en l’an 5, pour une valeur de 659,800 fr.
6, idem 1,018,700
7, idem 835,500
8, idem 730,800
9, idem 1,253,000
10, idem 1,366,000
Le produit du droit d’entrée aux douanes, pour les sept années, est de 7,437,800 fr.
La valeur d’une année moyenne est de 1,062,500 fr.

Mais cet apperçu est bien loin d’être exact, s’il est vrai que dans le siècle dernier, « l’importation des chevaux s’élevoit, année commune, à trente millions de livres, dont dix à douze étoient payés à l’Angleterre[1]. »

Quoi qu’il en soit, les chevaux estimés sur le pied de l’an 4, c’est-à-dire à la valeur la plus basse qu’a pu énoncer le déclarant, valeur qui est d’environ trois cents francs, on peut évaluer l’importation à 24, 792 chevaux…

La France n’a jamais eu précisément de haras de chevaux de trait. Avant la révolution, on achetoit un très-grand nombre de poulains de cette espèce dans les marchés voisins des frontières, d’où ils étoient importés dans l’intérieur.

L’éducation étoit au profit des Français ; mais le prix des poulains encourageoit, chez l’étranger, l’entretien des poulinières, les soins des pâturages, et faisoit fleurir cette branche de commerce chez nos voisins. Il faudroit établir des haras de chevaux de trait dans les pays où l’on fait cette sorte d’élèves.

Le projet est facile à exécuter, aujourd’hui que plusieurs pays d’où l’on tiroit beaucoup de chevaux de trait, sont devenus français : telle est la West-Flandre, qui comprend les départemens des Deux-Nèthes, de l’Escaut, de la Lys, etc.

Les remontes de beaucoup de nos troupes à cheval se font, suivant une longue habitude, en pays étranger.

Les chevaux allemands ont alimenté notre cavalerie dans presque toutes les guerres que nous avons eues à soutenir, et l’on s’est toujours plaint que notre balance de commerce éprouvoit alors un déficit de quatre-vingts ou cent millions.

Ces chevaux coûtent ordinairement un peu moins que les chevaux français ; ils paroissent brillans, et ils séduisent ; mais la plupart sont sans énergie ; arrivés en France, ils y éprouvent des accidens multipliés ; ils sont ruinés ou périssent beaucoup plus vite que les chevaux français. On en a vu un grand nombre, même d’un choix recherché, être réformés au bout de quatre ans d’usage, tandis que les chevaux français duroient, dans les mêmes circonstances, dix à douze ans, et même davantage. Dans la guerre, ils ne peuvent résister aux marches soutenues, pour peu que les chemins soient mauvais, et que le fourrage vienne à manquer, ce qui n’est pas rare.

Le bas prix des chevaux étrangers est un piège ; nos pertes et notre dépendance sont le résultat de nos déterminations indiscrètes ; c’est pour nous une ruine, plutôt qu’une économie.

Les sommes qui sortent de l’Empire, pour cette destination, auroient servi, dans les mains de beaucoup de nos Français, à acquitter leur part des charges de l’État.

Il suit de là que les achats de chevaux en pays étrangers sont funestes

  1. Instruction sur les Haras. Par M. Huzard, gage 13.