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PAIN. Il m’a paru que, pour compléter l’article Pain, que j’ai rédigé et inséré dans le septième volume de cet Ouvrage, quelques réflexions sur le pain de munition, sur le pain biscuit et sur le pain d’épice, ne seroient pas un hors-d’œuvre à ce Supplément, d’autant mieux que la réunion de ces objets pourra être considérée comme un véritable traité de boulangerie.

Pain de munition. Il est sans contredit l’aliment le plus substantiel, le plus analogue à la constitution physique de l’homme de guerre, celui qui, sous tous les rapports de l’état habituel, réunit le plus de conditions pour son genre de vie. Mais, pour obtenir cette qualité de pain, il convient de ne le composer que de toutes les farines qui résultent des grains, après en avoir extrait une grande partie du son.

À l’époque où la loi ordonna que le pain des troupes seroit composé de trois quarts froment et un quart seigle, sans extraction de son, elle avoit fixé en même temps la ration à une livre et demie par jour. Cette quantité suffiroit, sans doute, pour les besoins d’un soldat ; mais la plupart sont des jeunes gens qui, pour fournir à leur accroissement, résister aux fatigues de la guerre et aux exercices qu’ils font en temps de paix, ne doivent trouver dans leur aliment fondamental aucun principe qui puisse en affoiblir les effets. Vraisemblablement l’imperfection des moutures a d’abord déterminé le gouvernement à admettre le son en substance dans le pain des troupes ; et ce sont ensuite des vues d’économie qui ont maintenu cet usage ; mais des recherches postérieures attestent que le son, non seulement ne nourrit pas par lui-même, mais qu’il devient encore un obstacle à la nutrition du pain ; il excite en outre l’appétit et passe en entier tel qu’on l’a pris ; en sorte qu’il est prouvé qu’une livre de pain où il n’y a point de son, sustente davantage qu’une livre de pain où il y a du son.

Cette observation, confirmée par un très-grand nombre d’expériences faites par des entrepreneurs qui avoient beaucoup d’ouvriers à nourrir, les a déterminés à préférer de leur distribuer un pain moins bis et en plus petite quantité. Ce changement a singulièrement réussi au gré des uns et des autres.

Mais après avoir médité sur les moyens les plus efficaces d’améliorer le pain des troupes, je pense qu’il doit se rapprocher, autant que possible, de celui que consomment les habitans des pays où elles sont en garnison ; que, dans les endroits où l’on cultive indistinctement le froment et le seigle, on peut, sans inconvénient, continuer de s’en tenir à ce mélange dans les proportions adoptées par la loi ; que, même dans ceux où le seigle et l’orge sont plus communs, l’on pourroit faire, avec ces deux grains, un pain bon et salubre ; mais, dans tous ces cas, il convient d’en extraire la presque totalité du son, car l’écorce diffère essentiellement de la substance farineuse. La purée de haricots se digère toujours très-bien ; le haricot entier se digère quelquefois fort mal.

Il est démontré au chimiste que le son, réduit à son véritable état d’écorce, ne fournit aucun des principes nutritifs de la farine.