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Il est démontré au médecin que le son passant facilement à la putrescence, peut, dans certaines circonstances, préjudicier à la santé.

Il est démontré à la ménagère qu’il nuit à la conservation des farines, à la fabrication du pain, et le dénature dans ses propriétés alimentaires.

Enfin, il est démontré à l’administrateur impartial et éclairé, que l’admission du son dans le pain peut ouvrir la porte aux abus, servir de prétexte à l’incurie, et favoriser toutes les fraudes, toutes les spéculations.

Ces quatre autorités sont le contre-poids de mille autorités contraires ; tous les argumens opposés sont les argumens de l’ignorance, de l’intérêt et des préjugés. Jamais ils ne prévaudront contre l’expérience et la raison ; elles prouvent :

1°. Que le son, comme écorce, n’a pas été destiné dans l’ordre de la nature à faire partie de nos alimens, et qu’il n’est nourrissant qu’en proportion de la farine qu’il retient toujours ;

2°. Que son séjour dans les farines préjudicie toujours à leur quantité, à leur emploi, à leur garde ;

3°. Qu’en supposant le son aussi divisé qu’est la farine, le pétrissage, la fermentation, la cuisson et les agens de la digestion ne changent ni sa nature, ni ses propriétés ;

4°. Que le son, en trop grande quantité, fait du poids et non du pain ; qu’il empêche cet aliment de prendre du volume, de ressuer au four, et le fait passer trop vite ; qu’il ne faut en conserver que ce qui doit servir de lest sans inconvéniens ;

5°. Que pour donner au pain de munition tous les avantages qu’il doit réunir, il suffit d’en extraire dix-huit livres de son par quintal de grain ;

6°. Enfin, que sans augmenter le poids de la ration du pain des troupes, cette ration, composée de toutes les farines avec le cinquième des issues seulement, satisfera parfaitement les besoins du soldat.

Ce sont ces considérations, présentées dans un rapport par la classe des Sciences physiques et mathématiques de l’Institut national, qui ont déterminé le gouvernement à ordonner l’extraction de quinze livres de son par quintal de farine pour le pain des troupes ; et cette réforme salutaire a tari la source des plaintes qui grossissoient tous les jours, et donnoient lieu de craindre que la qualité du pain ne devînt le prétexte de quelque insurrection.

Il est cependant un moyen facile de séparer du son tout ce qu’il peut procurer au pain de nourrissant ; ce moyen consiste à mettre, le soir, la veille de la cuisson, le son à tremper dans l’eau qui, pendant la nuit, pénètre dans l’écorce et détache insensiblement la matière farineuse. Le lendemain matin l’on agite le son, que l’on comprime entre les mains pour achever la séparation de ce qu’il peut contenir d’alimentaire, et ne laisser que le squelette de l’écorce. On passe l’eau ainsi chargée à travers une toile claire ou un tamis de crin, et alors elle sera en état de servir au pétrissage de la pâte.

Cette méthode d’extraire, par le simple lavage à l’eau, la farine qui adhère au son, ne sauroit être comparée à celle qui consiste à le faire bouillir pour en employer ensuite la décoction au pétrissage ; méthode que l’on a présentée souvent comme pouvant apporter un grand accroissement à nos subsistances. Le pain qui résulte de la première méthode a meilleur goût, est plus blanc et mieux levé ; d’ailleurs, le son qui a macéré dans l’eau froide peut servir de nouveau, étant mélangé avec du son gras, pour les bestiaux qu’il faut remplir autant que nourrir.

Quelque utile que soit l’extrait du son