Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/383

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ainsi associé avec le pain, on ne le propose que dans les circonstances de cherté, où il est bon de ne pas perdre une livre de farine ; car autrement, si les particuliers n’avoient point de basses cours pour y faire consommer leur son, ils trouveroient plus de bénéfice à le vendre, que de s’en servir en substance dans le pain, dont le moindre effet est d’augmenter la masse et de diminuer le volume.

Pain biscuit. C’est une espèce de galette à demi-fermentée, d’un usage immémorial pour les voyages de long cours et pour les expéditions militaires. Originairement, la pâte de biscuit subissoit une double cuisson, d’où lui est venu son nom ; mais à présent cette pâte n’est mise au four qu’une seule fois, quel que soit le pays qu’on doive parcourir et la durée du voyage. C’est donc mal à propos que l’on continue d’avancer, dans des ouvrages très-modernes, que l’aliment dont il s’agit est cuit deux fois. Ne pourroit-on pas prévenir toute erreur à ce sujet, en convenant d’appeler le biscuit, pain de mer, (panis nauticus, panis maritimus) comme on nomme le pain de munition, pain des troupes de terre (panis militaris) ?

Que d’argent on épargneroit à l’État, que d’hommes on lui conserveroit, si le biscuit étoit par-tout aussi parfaitement et aussi économiquement préparé qu’il pourrait l’être ! Sa composition tient aux principes généraux de la fabrication du pain. Les vices qui régnent dans les boulangeries de la plupart de nos départemens sont les mêmes que ceux des endroits où l’on fabrique le biscuit : mouture défectueuse, qui laisse du son dans la farine et de la farine dans le son, fours trop hauts et mal bouchés, qui consomment beaucoup de bois et cuisent mal. Aucune base n’existe pour l’uniformité de la préparation ; le procédé à cet égard varie dans chaque port, et le résultat pèche tantôt par la nature des farines, et tantôt par la quantité et l’état des levains employés, et enfin par les mauvaises pratiques du ressuage.

Nous ne pouvons non plus nous dispenser de l’avouer en gémissant, que le biscuit fabriqué d’après les meilleurs principes porte quelquefois le germe d’une détérioration prochaine, qui se développe même avant de lever l’ancre ; c’est le son que le bluteau a laissé dans la farine qui occasionne des vides dans l’intérieur du biscuit, et lui donne une disposition à moisir ; c’est souvent la malpropreté qui règne dans les endroits du navire où on le met en dépôt, ou qui sont déjà remplis d’insectes ou de leurs œufs, que les circonstances locales font bientôt éclore. Faut-il s’étonner si, au retour d’une simple croisière, ou au milieu d’une traversée, le biscuit n’est plus bon qu’à jeter ? Mais, sans vouloir examiner ici toutes les pratiques usitées pour faire le biscuit, il nous a paru utile d’en faire connoître ce qu’il y a de plus essentiel, puisqu’il s’agit de la nourriture fondamentale d’une classe des défenseurs de la patrie.

On prend, par exemple, dix livres de levain un peu plus avancé que pour le pain ordinaire ; on les délaie dans l’eau, toujours tiède, avec un quintal de farine que l’on pétrit ; lorsque la pâte est au point de ne pouvoir plus être travaillée avec les mains, on la foule avec les pieds jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement tenace et unie. Le pétrissage fini, on travaille encore la pâte par parties ; d’abord on en forme des rouleaux qui, coupés en petits morceaux, repassent par la main des ouvriers ; ce qu’ils appellent frotter. Quand le poids des galettes est déterminé, ils leur donnent la forme ronde aplatie avec une bille, après quoi ils les distribuent sur des tables ou sur des planches qu’on expose au frais, afin d’éviter qu’il ne s’y éta-