Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du cerisier sauvage, appelé merisier, et du Sainte-Lucie. On les obtient quelquefois aussi des drageons qui viennent naturellement autour des vieux pieds, ou quand on force leurs racines à produire en les blessant. Ces plants sont conduits, dans la pépinière, comme ceux des arbres à pépins de haute tige, excepté que, comme ils poussent plus vite, on leur fait gagner un an, c’est-à-dire qu’on les met sur un brin, on les recèpe dès la seconde année, qu’on leur forme une tête la troisième, et qu’on les greffe en fente à cinq ou six pieds de haut la quatrième. Lorsque cette greffe en fente a manqué, on les écussonne, l’année suivante, sur le jeune bois qui a poussé près du sommet. On pratique rarement la greffe en écusson sur le plant de deux ans, parce qu’elle nuit à la beauté de la tige, et retarde son accroissement en grosseur.

La greffe des cerisiers sur le Sainte-Lucie doit être préférée seulement lorsque les arbres sont destinés à être plantés dans un terrain de mauvaise nature.

Le semis des pruniers ne diffère pas de celui des cerisiers ; cependant il demande quelques précautions de plus, parce que les fruits avec les noyaux desquels on le fait sont déjà plus loin de la nature primitive de l’espèce. Ainsi on a remarqué que les sujets provenant des damas d’Italie, du royal de Tours, de la Sainte-Catherine, etc., étoient plus vigoureux et plus propres à la greffe que les autres. On doit donc préférer les noyaux de ces espèces, et les prendre dans les fruits les plus beaux et les plus mûrs. Cependant beaucoup de pépiniéristes font justement le contraire ; ils choisissent les fruits du Saint-Julien et de la cerisette, arbres presque sauvages, et qui ne peuvent par conséquent qu’altérer la bonté et la beauté des espèces qu’ils greffent dessus le plant qu’ils en ont obtenu.

On multiplie beaucoup les pruniers par drageons, parce qu’il est facile de s’en procurer autour de tous les arbres qui ont été plantés sans pivot, qu’on gagne une année, et qu’on se dispense par ce moyen de l’embarras du semis ; mais un bon pépiniériste doit être modéré dans leur emploi, car ils ne donnent jamais des arbres aussi beaux que ceux greffés sur des sujets venus de graines, et ils s’épuisent promptement en poussant, chaque année, une immense quantité de rejetons. On peut aussi les reproduire de bouture, mais on le fait rarement.

Les pruniers se greffent comme les cerisiers ; cependant, comme ils se prêtent très-bien à la taille, on les place très-fréquemment en espalier, en contre-espalier, en quenouilles, et, pour cela, on greffe tous ceux qui ont cette destination, à œil dormant, fait à quelques pouces de terre.

Les pruniers provenant de rejetons peuvent être regardés comme faits à trois ans ; et à quatre, ceux provenant de graines ; quelques espèces, telles que le damas et le perdrigon, se multiplient sans le secours de la greffe, quoique cependant elles gagnent à être soumises à cette opération.

Les amandiers, les abricotiers et les pêchers exigent absolument la même culture dans la pépinière, excepté que, comme il est plus facile de semer leurs noyaux à la main, on les place toujours par rangées à distance de six pouces au moins, et que, comme leur coque est plus dure, on les enfonce de trois pouces en terre, ayant soin de mettre la pointe en bas. On ne doit semer leurs noyaux, autant que possible, qu’après les avoir au préalable fait germer dans la maison, ainsi que je l’ai déjà indiqué, parce que, de toutes les graines d’arbres fruitiers, ce sont les plus du goût des animaux du genre des rats, et que leur germe est facilement affecté des petites gelées du printemps. On choisit, en général, l’amande à coque tendre, comme exigeant moins de temps pour germer ; mais toutes peuvent être employées avec un égal avantage, et même beaucoup de pépiniéristes recherchent de préférence les amandes amères, comme fournissant des sujets plus beaux et plus robustes. L’amandier et le prunier suffisant aux besoins de sujets pour la greffe des abricotiers et des pêchers, il est rare, comme on l’a vu plus haut, qu’on sème aujourd’hui beaucoup de noyaux de ces deux derniers arbres dans les pépinières, mais certainement à tort, car ils donneroient nécessairement des nuances de fruits qui nous manquent, depuis qu’on les en a presque bannis. En général, le besoin de simplifier la besogne et d’amener l’économie a fait rejeter des pépinières, dont il est question en ce moment, plusieurs espèces d’arbres, et en a éloigné des opérations manuelles qui étoient utiles sous beaucoup de rapports. Il seroit en conséquence à désirer que les pépiniéristes se livrassent un peu moins à la culture routinière qu’ils ont apprise de leurs maîtres, et qu’ils revinssent à celle qui peut accélérer la perfection de leur art, afin de lui donner toute la considération dont il est susceptible. Il est bien rare qu’il sorte une nouvelle espèce des pépinières, tandis que les jardins du plus petit amateur en fournissent souvent.