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un aspect très-propre à le faire rechercher dans les jardins, ainsi qu’on peut s’en convaincre dans le bosquet des tulipiers, à Versailles. Ce phénomène est dû à ce que les racines de l’épine ne sont pas assez grosses ni assez nombreuses pour fournir à l’arbre qu’a produit la greffe toute la sève nécessaire à sa croissance, et qu’il est obligé de s’en dédommager en poussant une bien plus grande quantité de feuilles qui rétablissent l’équilibre. Cela est si vrai que ces racines peuvent à peine soutenir le tronc et la tête de leur nourrisson, qui sont presque tous inclinés du côté opposé au vent dominant. Ce n’est qu’avec des soins continuels qu’on peut les conserver sur pied.

Lorsqu’une branche destinée à faire une greffe en fente accélère plus sa végétation que le sujet sur lequel on veut la placer, on la coupe et on la conserve dans un lieu frais. Quelques pépiniéristes coupent même toutes les greffes de cette espèce plusieurs jours avant de les employer, parce qu’ils prétendent que, par là, leur réussite est plus assurée.

Quand une branche sur laquelle on désire prendre des yeux pour faire des greffes en écusson n’est pas assez avancée, on arrête sa croissance en longueur, en coupant son extrémité. Alors son bois prend bien plus rapidement la densité qui lui est propre. On emploie aussi le même moyen pour conserver des tiges encore trop en sève, pour lesquelles on craindroit les premières gelées de l’hiver. Parmi les arbustes également ci-dessus mentionnés, il en est deux, le lilas et le syringa, qu’il est plus avantageux de multiplier par rejetons ou par marcottes, mais que cependant on obtient facilement de graines. Il en est d’autres, comme le chicot, (Guilandica dioica Lin.) le laurier sassafras, le redoul, etc., qui ne donnent presque jamais de graines dans le climat de Paris, et qu’on ne peut que difficilement reproduire par rejetons ou marcottes. Ces derniers se multiplient par racines, c’est-à-dire qu’on enlève quelques racines aux vieux pieds, et qu’après les avoir coupées en tronçons plus ou moins longs, on les met en terre pour donner de nouveaux pieds. Quelquefois ces racines poussent des tiges dès la première année ; mais le plus souvent ce n’est qu’à la seconde, à moins qu’on ne les avance en les plaçant, dans des terrines, sous un châssis. Dans tous les cas, il faut que ces racines n’aient ni trop d’humidité, ni trop de sécheresse, car dans les deux cas elles périroient immanquablement. Il est quelques espèces qui, quoique fournissant des graines ou se multipliant par marcottes ou boutures, sont plus avantageusement reproduites par cette voie, dans les pépinières : parmi elles on peut compter le langit, (Aylanthus Desf.) ; le mûrier à papier, (Broussonnetia L’Héritier) ; le redoul, (Coriaria Lin.) Ce dernier arbuste réussit mieux quand on emploie, au lieu de ses fibrilles, le collet de la racine dont on sépare le bourgeon en les éclatant avec une pioche. On appelle cette sorte de multiplication par éclats. On doit ranger dans la même classe de multiplication celle qui se fait en fendant une tige et ses racines en deux, trois, quatre ou un plus grand nombre de morceaux que l’on plante séparément ; mais ce mode, qui est fréquemment employé sur les plantes vivaces, ne l’est guères sur les arbres et arbustes.

C’est peut-être ici le lieu de parler des variétés, puisque ce sont les arbres et arbustes des classes dont je m’occupe en ce moment qui en fournissent le plus.

Il se développe quelques fois, dans les végétaux abandonnés à la nature, plus souvent encore dans ceux qui sont cultivés, des causes qui les font changer d’aspect, devenir plus ou moins différens de ceux qui leur ont donné naissance. Ainsi, lorsqu’une graine est semée dans un terrain extrêmement amélioré par les engrais, elle produit quelquefois un arbre dont les fleurs sont doubles, ou dont les feuilles acquièrent une grandeur démesurée. Ce sont des variétés par excès de nourriture. Ainsi, lorsqu’une graine est semée dans un très-mauvais sol, elle produit quelquefois un arbre dont ou la tige, ou les feuilles, ou les fleurs sont plus petites. Ce sont trois variétés par défaut de nourriture. Ainsi, lorsqu’un arbre souffre dans sa tige, dans ses feuilles et dans sa fleur, la première se contourne, les secondes se décolorent, passent en tout ou en partie au blanc ou au jaune ; les troisièmes prennent une couleur différente ou une forme bisarre ; ce sont cinq variétés par maladies. Les amateurs de culture ont mis, de tout temps, et mettent aujourd’hui plus que jamais, une grande importance à ces variétés ; le pépiniériste a dû en conséquence les rechercher, et ce, d’autant plus qu’elles ne lui coûtent guères plus à multiplier, et que, cependant, il les vend beaucoup plus cher que les espèces dont elles émanent.

Il arrive quelquefois que les graines d’une variété les reproduisent ; mais, en général, elles donnent le type de l’espèce. C’est donc par les greffes, les boutures, ou les marcottes qu’on les multiplie. On a remarqué que les greffes, sur-tout, fixoient les variétés, c’est-à-dire que si on en-