Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/453

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qui couve, il faut la soustraire au regard du mâle ; car, s’il la voyoit, il casseroit les œufs. La durée de l’incubation est de vingt-huit à vingt-neuf jours, selon les climats, l’attention et l’ampleur de la couveuse.

D’après le caractère volage des pintades, et les observations de notre collègue Sageret, il semble qu’il vaudroit mieux les abandonner à elles-mêmes, toutefois en les surveillant, que de les contraindre à pondre près du poulailler, ou de confier leurs œufs à une autre femelle. Plus libres et plus tranquilles dans les champs, elles amènent à la ferme leurs petits, quand ils sont assez forts pour les suivre, et, quoiqu’un peu farouches, ils s’accoutument avec les autres volailles ; mais lorsque le temps n’est pas favorable, et qu’ils ne joignent pas assez tôt le gîte, il est nécessaire que la fille de basse-cour protège et accélère leur retour. M. Sageret observe encore que quand une fois on a découvert le nid où elles couvent, il faut jeter du grain auprès ; que le mâle revient toujours coucher la nuit au poulailler, et rejoint pendant le jour la couveuse ; mais que quand les petits sont éclos, et qu’il fait beau, le père et la mère les promènent ensemble : d’où il conclut, de ces observations, qu’il faut d’abord se borner à élever les pintades dans les cours écartées pour en tirer parti ; et que probablement la domesticité et les caresses de la gouvernante parviendront insensiblement à corriger leurs défauts ; mais que, placées dans des parcs, les pintades prospéreroient comme le faisan, et seroient, ainsi que l’observe M. Sonnini, un gibier de plus.

Éducation des pintadeaux. On ne peut se dissimuler que les pintadeaux ne soient difficiles à élever, sur-tout quand la saison est humide et froide ; cependant, au moment d’éclore, ils percent aisément la coquille, quoique fort dure, et sont disposés à manger et à marcher d’eux-mêmes, comme les poussins.

On n’est pas tout à fait d’accord sur la nourriture qui leur convient le mieux : les uns prétendent qu’elle doit consister dans une pâte avec du persil haché, de la mie de pain et des œufs durs ; les autres recommandent du chènevis et du millet écrasés, et mêlés avec de la mie de pain et des œufs. Je crois avoir remarqué que pour rendre toutes ces substances plus efficaces à la première éducation des pintadeaux, il convenoit de leur associer des œufs de fourmi, et que, quand il étoit impossible de se procurer une pareille ressource, il falloit la remplacer par la verminière, et en continuer l’usage pendant vingt à vingt-cinq jours au moins.

L’avidité avec laquelle les oisons et les canetons se jettent sur la viande, l’instinct des poussins ordinaires, des poussins d’Inde et de tous les oiseaux qui grattent la terre pour avoir des vers, qui mangent des sauterelles et autres insectes semblables, sont des indices, suffisans pour nous apprendre que la première nourriture des oiseaux devroit toujours être composée d’un mélange de matières végétales et animales, et auroit une grande influence sur le succès de leur éducation ; cela m’autorise à croire qu’on ne fait pas assez d’usage de la verminière adoptée et proposée pour la nourriture exclusive des poules. Rien, à mon gré, n’est plus économique, ni plus salubre, ni plus propre à la constitution physique de la volaille, quand on a soin d’en proportionner la quantité à l’âge, à la saison, et aux ressources locales. Ce goût pour les vers se fortifie à mesure qu’elle se développe, et on connoît l’agilité avec laquelle elle les découvre et les saisit pour s’en nourrir. J’ai vu, pendant mon séjour en Angleterre, chez lord Egremont, distribuer tous les jours des œufs de fourmi aux poussins d’Inde, et cette nourriture leur réussir à merveille.

Je lis dans l’Histoire naturelle des Oiseaux, par Buffon, édition de Sonnini,