Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/454

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une note de M. Virey, sur la pintade. Ce jeune homme, qui a déjà tant fait pour sa gloire et pour les sciences, prétend qu’à mesure que les oiseaux vivent de matières animales, leurs intestins sont plus courts ; que ceci indique, dans la pintade, un grand appétit pour se nourrir d’insectes et de vermisseaux : cet oiseau est pour cela même plus méridional que le reste de sa famille naturelle ; car c’est dans le midi que naissent une foule d’insectes. Je le répète, il n’est pas douteux qu’en donnant aux pintadeaux domestiques, comme aux faisandeaux, des œufs de fourmis de pré, et ensuite, à mesure qu’ils avancent en âge, de fourmis de bois, qui sont plus gros et plus solides, leur réussite seroit plus assurée : mais, à défaut d’une pareille ressource, il faut y suppléer par de la viande crue ou cuite hachée, mêlée avec de la mie de pain et du grain moulu, et de temps en temps par la verminière. Ce moyen, appliqué indifféremment à tous les oiseaux de la basse-cour, dans le premier âge, rendroit leur éducation plus facile et moins équivoque.

Nourriture des pintades. Un mois après leur naissance, les pintades semblent être acclimatées ; le chènevis pur, l’avoine, le sarrasin, le blé, le son, les pommes de terre cuites, toutes sortes d’herbes, principalement les poirées, les laitues et les choux peuvent entrer dans la composition de leur nourriture : enfin, elles s’accommodent très-bien du régime ordinaire des poules.

L’appétit de la pintade suffit pour l’engraisser tout naturellement, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la castration et aux autres moyens barbares que la sensualité a fait imaginer ; il n’est question que de lui donner des alimens substantiels, d’une certaine consistance et à discrétion ; de l’empêcher de courir, de la placer dans un lieu éloigné du bruit. Quand elle est jeune, sa chair est plus succulente que celle des autres volailles du même âge, et ressemble assez à celle du faisan ; mais, en vieillissant, la pintade devient plus dure, plus coriace que la poule ordinaire ; enfin, les gourmets exercés prétendent, que son goût n’est comparable à celui d’aucun autre oiseau.

Il paroît que les pintades, comme les autres oiseaux domestiques, sont exposées à plusieurs maladies ; mais la pépie à laquelle sont sujets les individus de sa grande famille, ne les affecte pas autant : on remarque, à la vérité, que de très bonne heure elles sont exposées à des accès de goutte ; et pour peu qu’on les contrarie, elles se sentent tellement en colère, qu’elles tombent d’épilepsie. Le froid leur fait mal aux pattes et à la tête, aussi doit-on les accoutumer à venir pendant l’hiver au poulailler.

Leurs plumes sont de trois couleurs, blanches, grises et noires ; elles étoient autrefois très-recherchées des fourreurs, qui en faisoient des manchons fort élégans pour les femmes ; mais celles-ci ont renoncé à cette parure d’hiver, et préféré nos gros manchons de toutes sortes de fourrures : l’usage en est abandonné aujourd’hui par l’un et l’autre sexe.

Nous en avons dit assez jusqu’à présent, pour faire craindre qu’il soit difficile de captiver la pintade ; cependant, les succès qu’on a déjà eus en ce genre ne doivent pas décourager ; peut-être, moyennant les soins de l’éducation, plus soutenus, parviendra-t-on à affoiblir la propension qu’elle a de faire la guerre aux autres volailles, vu que d’ailleurs on est déjà parvenu dans quelques endroits à la familiariser, au point d’accourir de très-loin à la voix qui l’appelle, et de venir aux heures du repas manger sur la table. Mais l’outarde dans nos basses-cours présenteroit un bien plus grand intérêt ; cet oiseau, dont l’origine, le caractère et l’existence ont donné lieu à tant de