Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/455

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discussions, sembleroit, d’après ce qu’en dit Olivier de Serres, avoir été autrefois commun parmi nos oiseaux domestiques. On a déjà la preuve que l’outarde, prise jeune, s’habitue fort bien à vivre en société avec les autres volailles. Quelques tentatives infructueuses, entreprises à dessein de l’apprivoiser, n’ont pas été suivies assez long-temps pour nous faire perdre l’espérance d’un meilleur succès. Nous ne doutons pas qu’un jour ce grand oiseau, si précieux par la bonté de sa chair, ne perde un peu de son caractère sauvage. M. Chaptal, pendant son ministère, a bien voulu écrire aux préfets des départemens de la Vienne, de la Marne et des Ardennes, pour me procurer des outardes, soit à la faveur de filets, ou en s’emparant de leurs œufs, qui, couvés par une poule ordinaire, donneroient peut-être des petits plus propres à la naturalisation ; car, on s’est trompé, en croyant qu’elles ne pondoient pas en France : il n’est pas même encore bien prouvé que l’outarde soit un oiseau de passage ; car, Mauduyt, entr’autres, prétend qu’elle habite la Champagne, la Lorraine et le Poitou toute l’année, ou du moins qu’il y en reste toute l’année. Ce naturaliste en a vu prendre de fort jeunes dans les plaines de la Champagne, leur véritable patrie en France ; et il ajoute que, toutes les fois que l’hiver est rigoureux, et la terre couverte de neige pendant quelques jours, on apporte au marché de Paris des outardes qui toutes viennent de ce département.

Dans son second voyage dans l’intérieur de l’Afrique, M. Levaillant dit avoir vu, dans les basses-cours des Hollandais, plus de vingt espèces de canards et d’oies sauvages, qui nous sont inconnues ; ils y multiplient comme les autres oiseaux domestiques de nos climats : l’oie de la Chine, l’oie d’Égypte, l’oie de Barbarie, les différens canards du Cap de Bonne-Espérance, la sarcelle de la Caroline, les hoccos d’Amérique, prospèrent non seulement sur les marais glacés de la Hollande, mais on en obtient des métis, en croisant leurs races.

Pourquoi la gélinotte, cette gallinacés dont la chair est si bonne et si nourrissante, ne pourroit-elle pas également figurer dans nos basses-cours ? d’autant mieux, que, comme la pintade, elle ne paroît pas attachée à un climat particulier, et qu’elle peut vivre en Lybie et sur les côtes de la mer Baltique.

Ne bornons jamais nos recherches eu ce genre : l’exemple du dindon, apporté de si loin, et qui s’est multiplié parmi nous, comme dans sa terre natale, ne devroit-il pas être pour les voyageurs un motif puissant de faire à leur pays de pareils présens ? (PArm.)


PIPÉE, (Chasse aux oiseaux.) L’antipathie naturelle qui constitue tous les habitans de l’air en état de guerre contre l’espèce des oiseaux de nuit a du donner l’idée d’attirer les premiers à différens pièges, en leur présentant leur ennemi, ou en leur faisant entendre ses cris. De là est venue la chasse connue aujourd’hui sous le nom de pipée. Elle a l’avantage d’atteindre cette foule d’oisillons sur lesquels, malgré leur petitesse, notre insatiable domination a voulu s’étendre, et que le vague de leurs appétits, la mobilité de leurs habitudes, mettoient à l’abri d’une chasse régulière et suivie. L’histoire de la pipée, mieux que la fable du cheval et du cerf, donne à l’homme qui n’en profite pas une nouvelle preuve que la haine et la vengeance sont quelquefois de mauvais conseillers, et qu’il n’est pas toujours prudent de chercher à faire à son ennemi tout le mal qu’on lui désire.

Piper, c’est contrefaire principalement les cris de la chouette et ensuite ceux de différens oiseaux, tels que les geais, les merles, les pinsons, qui sont les plus hardis à attaquer la chouette, et dont la