Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/456

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voix et l’exemple rassemblent tous les autres pour prendre part à ces sortes de querelles. Bien piper est un talent qu’un livre ne peut enseigner, et qui s’acquiert par l’exercice et par l’étude de la nature. Il ne reste à la théorie qu’à décrire les instrumens et les préparatifs requis pour assurer le succès d’une pipée.

J’ai déjà indiqué, dans l’article Appeau, tous les moyens artificiels dont on peut s’aider pour rendre plus imitatifs les cris qu’on doit chercher à produire à cette chasse : il suffit ici de renvoyer le lecteur à cet article, pour arriver de suite à la description du lieu qu’il devra disposer pour exécuter une pipée.

Il faut choisir dans un taillis de cinq à six ans une place abritée, non passagère, sans écho, et où il se trouve un arbre passablement touffu, médiocrement haut, et qui soit éloigné de tous les autres d’environ une soixantaine de pas. Si à toutes ces conditions on peut réunir le voisinage d’un abreuvoir, de vignes ou de vergers, ces circonstances devront être regardées comme très-propres à aider la réunion des oiseaux sur le point ainsi favorisé. La préparation de cet arbre et d’une loge qui lui soit voisine, devient alors la première opération dont il convient de s’occuper.

La loge, qui n’est autre chose qu’une cabane de feuillages où les chasseurs peuvent se tenir cachés, se construisoit autrefois au pied de l’arbre de pipée. L’auteur de l’Aviceptologie conseille, pour des raisons que j’approuve, de la construire plutôt au centre de la place qu’on veut occuper, parce qu’ainsi située, on voit mieux ce qui se passe sur l’arbre et tout autour de soi ; parce que les oiseaux englués ne risquent point de tomber de l’arbre sur la cabane où ils arrachent souvent leur gluau, qu’ils laissent parmi les broussailles ; parce qu’enfin la vue de ce buisson au pied de l’arbre où on cherche à les attirer, doit leur présenter un aspect extraordinaire et suffisant pour exciter la méfiance de plusieurs, et qu’enfin ainsi placée, la cabane empêche de monter aussi facilement à l’arbre. Ayant déterminé la place de la loge, on élague autour, pour faire un chemin libre et circulaire, qu’on appelle avenue. Cette première avenue peut avoir six pieds environ de large. On en pratique une seconde également circulaire autour de la première, et un peu plus loin ; celle-ci n’a que trois pieds de large, et une troisième enfin qui en a quatre ou cinq, et qui embrasse les deux autres. On coupe ces trois avenues concentriques, de cinq ou six routes droites qui vont du pieu de la loge jusqu’un peu au delà de la troisième enceinte ; la longueur de chacune de ces traverses, correspondantes à l’épaisseur des allées concentriques et des haies de taillis laissées entr’elles, peut être d’une trentaine de pas. Le long des routes droites et en dedans de la première enceinte la plus voisine de la loge, on se ménage, s’il est possible, des brins de taillis de grandeurs différentes ; on les distribue à peu près de six pas en six pas. Les plus hauts ne doivent guères passer six pieds ; les plus petits en auront au plus quatre. Ces brins de taillis, qu’on appelle perches et plians, s’inclinent sur les chemins ci-dessus mentionnés, et y présentent, de distance en distance, aux oiseaux, des espèces de juchoirs que l’on a soin de garnir de gluaux. Si les routes pratiquées n’offroient point naturellement de ces gaules, on auroit la peine d’en aller couper plus loin et de les enfoncer convenablement pour rendre le même service. Afin que ces plians s’inclinent sur le chemin, on est presque toujours obligé de leur donner par-derrière un coup de serpette au moyen duquel on les fait fléchir à la hauteur convenable. Il faut, de plus, essentiellement observer que, dans la disposition et direction de ses routes, l’arbre de pipée se trouve