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d’en indiquer les traits les plus caractéristiques, pour éviter toute méprise avec le chou navet de Laponie. Le chou-navet commun, (brassica napo brassica) a pour caractère distinctif du chou-rave, d’offrir un renflement pulpeux alimentaire dans l’intérieur même de la terre, dans les racines, tandis que le chou-rave, brassica oleracea gongilodes, offre ce renflement hors de terre et dans les liges, (brassica caule rapam gerens) et non dans les racines, comme sa nomenclature française pourroit le faire croire. Il a une variété de couleur violette, et jamais cette nuance ne s’observe dans le chou-navet : ainsi ces deux plantes sont absolument dissemblables par leurs formes. Le chou-navet est mentionné dans Gaspard Bauhin, comme étant fort connu dès lors en Allemagne, et le chou-rave que les ambassadeurs du royaume de Siam apportèrent en France, sous le règne de Louis-le-Grand, étoit connu en Europe long-temps avant l’époque de cette ambassade en France. Actuellement, en comparant le chou-navet de Laponie (brassica napo brassica. Var.) avec ces deux plantes, on voit qu’il n’a aucun rapport avec le chou-rave, et que s’il a quelque analogie avec le chou-navet ordinaire, il en diffère par l’abondance plus marquée de son feuillage, le nombre de ses tiges, et la force de sa constitution, qui le rend insensible à l’action de la gelée.

Arthur-Young étoit entré dans de fort longs détails sur le semis et l’éducation de cette plante essentielle. M. Sonnini, reprenant ce sujet, a ouvert la carrière à tous les agriculteurs qui en ont récemment parlé : néanmoins tous ces auteurs différent en quelques points, ce qui provient sans doute des circonstances dans lesquelles ils étoient en écrivant. La règle de conduite d’une plante ne sauroit être la même pour toute la France ; la cause des différences de sentimens, parmi les auteurs qui se sont occupés de cette plante, provient des qualités de terres sur lesquelles on a expérimenté, et des divers pays où l’on a fait des cultures. Les uns veulent que la terre, plusieurs fois labourée, reçoive la semence jetée comme celle du navet-turneps ; d’autres sèment sur couche et replantent ensuite le jeune plant à des distances régulières ; d’autres veulent qu’il soit semé dès le printemps ; enfin, le plus grand nombre le cultivent comme le navet ordinaire.

Si on cultive peu de choux-navets de Laponie, on sèmera les graines au mois de mars ou d’avril, sur un bout de couche ; et, lorsque le plant aura acquis la force suffisante, on le repiquera à deux pieds ou dix-huit pouces, dans un sol préparé par un simple labour à bras d’hommes ou à la charrue ; les plants seront butés deux fois avant l’automne, et purgés des mauvaises herbes qui viendroient s’y établir.

Si on sème en grand, on répandra, en mai, juin, juillet et août, deux livres environ, selon la qualité du sol, de cette graine, par arpent de Paris, en observant de semer par un temps pluvieux ou prochainement disposé à la pluie ; et, si le plant lève trop abondamment, on en fera ôter, pour qu’il reste assez de distance entre chaque pied.

Je n’ai pas besoin de dire que, si on fume le champ, l’opération sera meilleure, ni que le chou-navet, semé en grand, ne sera pas biné et buté comme celui qu’on auroit transplanté. Il est facile de sentir aussi que le produit sera moindre et d’autant plus tardif, qu’on sèmera plus tard, ou dans une plus mauvaise terre.

Les choux-navets de Laponie réussissent dans tous les sols, et sont aussi propres à surmonter les grandes chaleurs, qu’à résister aux froids. Il est digne de remarque, dit M. Sonnini, « que les choux de Laponie, qui ne sont nullement sensibles aux gelées les plus fortes, résistent également à l’excès de la chaleur, et que, malgré la sécheresse, ils reprennent plus tôt et mieux que les autres : ce sont, parmi les végétaux, de ces constitutions robustes et heureuses que rien n’altère, et qui peuvent supporter les sensations les plus opposées. »

Les choux semés en mars, et nécessairement mis en place plus tôt que ceux qu’on auroit semés plus tard, commenceront à donner des feuilles bonnes à cueillir en juillet, en ne laissant que celles du centre. On commence à un bout du champ, et, quand on est arrivé à l’autre extrémité, on revient au point du départ, où l’on trouve de nouvelles feuilles, dans la supposition que le champ soit assez spacieux. Agrès avoir fourni deux