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ou trois récoltes de feuilles en été et en automne, on continuera de recueillir, moins à la vérité, pendant l’hiver et au temps des gelées : ces feuilles sont données à tous les animaux, entières ou hachées.

Dans le cours de l’hiver, ou aux approches du printemps, on arrache les racines, dont le produit est encore beaucoup plus lucratif que celui des feuilles, et on les donne aux animaux, coupées par tranches ; elles sont plus pesantes, plus fermes et plus consistantes que celles des navets, et par conséquent plus alimentaires.

Si on se propose de recueillir des graines, on laisse les plus fortes racines : alors on peut faire une remarque digne d’attention et particulière à ce chou, c’est qu’au lieu de devenir creuse, comme tant d’autres racines, celle du chou-navet de Laponie prend une nouvelle vigueur, jette de robustes rameaux chargés de fleurs jaunes, et ce n’est qu’au temps de la maturité de la semence qu’elle devient ligneuse et sèche, effet nécessaire des efforts de la végétation qui borne à cette époque le terme de la vie dans cette plante.

Le chou-navet de Laponie offre deux variétés, l’une à racines blanches en dedans, l’autre à racines d’une teinte jaune. Ces légères nuances ont fait penser à quelques cultivateurs que c’étoient deux espèces distinctes ; mais on ne doit les considérer que comme sous-variétés. Ce n’est pas d’ailleurs une découverte récente ; et nous nous étonnons que les auteurs de cette opinion, énoncée récemment à la Société impériale d’Agriculture de Paris, n’aient fait aucune mention de M. de Bergius, professeur à Stockholm, qui a annoncé, il y a long-temps, que ces deux variétés étoient cultivées depuis deux siècles dans le nord de l’Europe. Des voyageurs français, et notamment M. Lasteyrie, qui ont observé cette plante en Suède, ont confirmé la proposition de M. de Bergius. M. de Gaujac, propriétaire instruit, et cultivant lui-même, n’a pu y voir également que deux variétés d’une même plante, ainsi qu’on en trouve dans tant de végétaux : il y a déjà trop de mots synonymes en agriculture qui induisent le public en erreur ; et puisque le rutabaga n’est que le chou-navet de Laponie, il faut lui conserver ce dernier nom, et rejeter l’expression dure et inintelligible de rutabaga ou ruta-baa, qui n’ajoute rien aux qualités depuis long-temps connues des deux sous-variétés de chou navet de Laponie, par Bergius, Arthur Young et Sonnini.

L’histoire économique du chou-navet de Laponie se rattachant à celle du chou-rave, je saisis ce moment de parler de ce dernier, qui présente de plus grands avantages qu’on ne l’a cru généralement en France jusqu’alors.

Chou-rave. Brassica oleracea gongilodes Linn. Cet article a été fait au mot Chou ; mais l’auteur ne l’ayant pas considéré comme plante fourrageuse, je dois en dire un mot sous ce rapport. Ce chou est cultivé comme fourrage en Prusse. J’en ai vu des champs fort spacieux en France, dans le département du Bas-Rhin, où on en récolte les feuilles, qu’on donne aux animaux l’été et l’automne, et les tiges en hiver. Ces tiges sont excellentes à manger, même pour l’homme, et aucun voyageur ne traverse l’Alsace sans en manger à table d’hôte, où l’on ne manque presque jamais d’en servir. Je dis la tige, parce que c’est, rigoureusement parlant, la partie la plus inférieure de la tige, et non la racine, qu’on mange dans ce chou. Voyez ce que j’ai dit en parlant du chou navet de Laponie, pour le distinguer du chou-rave et du chou-navet ordinaire.

Le chou-rave doit être semé, selon les températures, sur couche, ou en pleine terre, en mars, ou avril, ou mai, dans un très-bon sol, et être replanté à deux pieds de distance, et il sera traité comme le chou navet de Laponie replanté ; et, si on le sème en plein champ, ce sera à la dose de deux livres par arpent, selon la qualité du sol, et par les mêmes circonstances que celles indiquées pour le chou-navet de Laponie ; mais, en général, il veut un meilleur sol et plus d’humidité, parce que c’est un véritable chou, et que l’autre, participant du navet, se plaît, comme ce dernier, dans un sol moins bon.

Le chou-rave, considéré comme fourrage est très-utile, et comme légume, il n’est pas moins recommandable, (Tollard aîné.)