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chés. La tête de ces piquets formera une petite fourche, et présentera à peu près la forme d’une béquille. C’est sur cette sorte de branche qu’on engagera bien légèrement la lisière supérieure du panneau, laissant pendre l’inférieure jusqu’à terre. On sent que le filet, étant posé du même côté que les piquets s’inclinent, il sera enlevé très-aisément par tout animal qui se jettera dedans, et qui s’y empêtrera en courant. Ce même arrangement doit faire sentir qu’on ne peut tendre par un vent un peu fort, parce qu’il feroit tomber le filet. Lorsqu’on l’a préparé et convenablement élevé sur ses piquets, on s’écarte, non en traversant le chemin devant le filet, mais en longeant par-derrière ou par le côté, et l’on gagne quelque buisson où l’on puisse se cacher, et d’où l’on voie sur le chemin. Lorsque le gibier s’y engage, il faut attendre qu’il ait dépassé de plusieurs pas la niche que l’on s’est choisie ; puis, venant doucement passer derrière, on jette un cri ou l’on frappe des mains, pour le précipiter dans le panneau, où l’on court le saisir. On peut retendre à cette chasse, et rester plusieurs heures dans la même passée. À cette manière de panneauter, on est souvent contrarié par le vent, qu’il faut prendre au moins de côté, si l’on ne peut pas espérer que le gibier vienne dans sa direction.

Voici une autre méthode qui est plus indépendante de l’état de l’air : Il faut passer les dernières mailles des lisières inférieure et supérieure du pan ou panneau, sur deux cordonnets chacun d’une ou de deux toises plus longs que le panneau. Les mailles ne devront point être arrêtées sur ce cordonnet qu’on prendra gros comme une plume à écrire ; mais elles couleront de manière que tout le filet puisse se rassembler et se froncer comme un rideau sur sa tringle. Le pan ainsi préparé, on attachera à des arbres ou à des pieux, les deux bouts du maître à environ un pied et demi de terre. Ce nœud réunira ensemble les deux bouts d’un côté ; l’on opérera de même de l’autre côté du chemin et à l’autre extrémité du pan. On étend ensuite chaque lisière du filet le long des deux cordonnets qui le bordent ; cette première opération le dispose comme il doit être selon sa longueur. Reste à le tendre en largeur de manière à ce qu’il fasse haie par le travers du chemin. Pour cela, on a deux baguettes d’environ quatre pieds de haut et de dix à douze lignes de diamètre ; posant l’une de ces baguettes sur le bout de la lisière inférieure du pan, et sur le cordonnet qui l’enfile, on lui fait toucher terre ; de l’autre main, on écarte le second cordonnet qui passe par la lisière supérieure, et on l’engage sur le bout supérieur du piquet. On doit sentir que ce bâton, ainsi placé, et qui ne doit pas être flexible, tient les deux cordes qui tordent le filet écarté, et ouvre celui-ci dans toute sa largeur. Le second bâton se place de la même manière à l’autre extrémité du pan, qui par là est ouvert sur sa largeur et barre le chemin. Pour exécuter cette seconde tension, il ne faut pas que les deux cordonnets, qui vont d’un pieu à l’autre, aient été attachés trop roide, puisqu’alors on ne pourroit les écarter l’un de l’autre, ni par conséquent déployer le panneau selon sa largeur ou hauteur. De plus, si ces deux cordes étoient trop roidies, elles serreroient les bâtons qui les séparent de manière à ce que ceux-ci ne se dégageroient qu’avec effort. Il faut donc que leur tension soit combinée de manière à ce que le serrement opère sur les extrémités des bâtons soit très-foible, et permette à ceux-ci de se dégager au moindre effort. Le piège étant en cet état, on se place pour observer le gibier, comme je l’ai dit pour le cas précédent, et lorsqu’un lapin ou un lièvre tombe dans ce panneau, il s’y embarrasse plus sûrement encore que dans l’autre, puisque dès que les bâtons qui tiennent le filet ouvert sont dégagés, pour peu que l’animal avance, il fronce sur lui-même ce filet qui glisse sur les deux cordons de traverse, lesquels d’ailleurs se rapprochent, n’étant plus tenus écartés par les piquets.

Si à cette chasse on n’avoit point de cachette commode sur le chemin où l’on doit se poster, il faudroit nécessairement monter sur quelque arbre voisin, d’où l’on pourroit jeter quelque chose vers l’animal qu’on voudroit faire fuir vers le panneau : cette dernière manière de le tendre fait agir ce filet