Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/653

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terre, et qui est aussitôt saisie. La nuit, ces oiseaux sentent sous leurs pieds les vers que la fraîcheur a attirés dehors, et ils en font de même une ample pâture. C’est cette manière de chasser et de chercher leur vie qui les amène, comme les bécasses et les pluviers, au bord des eaux pour s’y laver le bec et les pattes après avoir véroté pendant la nuit. Si on parvient à tuer un vanneau dans une volée et qu’on ait un fusil double, on peut espérer de tirer à profit son second coup, car toute la bande tournoie quelque temps en volant autour du mort.

Les vanneaux, comme je l’ai dit, rompent leur société au temps de la ponte ; les mâles se disputent alors les femelles avec acharnement ; les couples une fois appareillés, cherchent des pelouses et des friches pour faire leur nid ; ou s’ils les placent dans des terrains humides, c’est toujours sur quelque butte ou tertre élevé sur le niveau de ce terrain. Ce nid n’est qu’un trou formé dans l’herbe, qui se flétrit par l’incubation ; de sorte qu’on peut reconnoître si les œufs qu’on rencontre sont frais pondus au degré de flétrissure du nid. Ces œufs sont au nombre de trois ou quatre, d’un vert sombre tacheté de noir ; ils passent pour un fort bon manger, et sont recherchés en Hollande pour la table. Les petits, qui éclosent au bout de vingt jours, sont couverts d’un duvet noirâtre et d’espèces de longs poils blancs ; ils courent au bout de deux ou trois jours, et sont bientôt si alertes qu’on ne peut les arrêter sans chiens. Lorsqu’on approche d’un nid de vanneau, cet oiseau semble ne pouvoir se résoudre à abandonner sa famille, et il voltige autour de la tête du chasseur ; mais cette preuve de tendresse ne sert qu’à le trahir. Vers la fin de juillet les petits vanneaux sont adultes, et c’est alors que se recompose la grande société, et qu’on revoit ces oiseaux par bandes de plusieurs centaines. Bien qu’on les chasse en tout temps, l’époque de la fin de l’été et commencement de l’automne est préférable parce qu’elle donne un meilleur gibier.

On prend le vanneau dans les rets saillans ou nappes tendues comme pour alouettes et pour canards. Les prairies et les voisinages des eaux sont les lieux propres à cette chasse. Il faut, comme pour les autres oiseaux, que le nappiste se prépare une cabane de branchages éloignée de ses filets, qu’il se munisse d’appelans, ou à leur défaut, d’un appeau de vanneau. Cet appeau peut se faire d’un petit jet de vigne plié en double, et où l’on place pour languette une écorce de sarment. D’autres se servent d’un petit bâton de coudrier gros comme le petit doigt, long de trois ou quatre pouces, et refendu dans sa longueur presqu’au milieu à peu près. On insère, pour languette, dans cette fente un peu vidée, une feuille de lierre ou de laurier. Lorsqu’on voit des vanneaux en l’air, on fait jouer cet appeau dont le son les fait descendre. On les chasse aussi de nuit aux flambeaux, et de jour, avec la vache artificielle. Si l’on se trouve à portée de prairies bordées d’un ruisseau, on peut y former un affût très productif : pour cela on se construit, dans la prairie, une hutte en gazon et eu branchages, et on l’entoure d’eau en faisant une saignée à la rivière, ce qui inonde la prairie. Le matin, lorsque les vanneaux, après avoir véroté, viennent à l’eau pour laver leur bec, on les fusille à l’aise du fond de la cabane. On peut aussi à cette chasse se munir d’un appeau pour les déterminer à s’approcher quand on les voit voler aux environs. Cette chasse donne beaucoup de gibier ; on la commence vers la Saint-Michel. On a vu, à l’article Pluvier, que le vanneau se mêloit volontiers à ces oiseaux, et que beaucoup d’habitudes semblables faisoient venir l’une et l’autre espèce