Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1805, tome 12.djvu/676

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à lui, se récriant sur sa voie et la rapprochant. C’est lorsqu’ils commencent à être près de lui, qu’il se décide à se mettre sur son cul, les attend et les regarde arriver : il se fait aboyer ainsi fort long-temps par tous les chiens ; ce que l’on nomme aboyer d’étant. Ce n’est qu’après avoir été harcelé et mordu devant et derrière, par les plus hardis, qu’il prend le parti de se mettre sur ses quatre traces : alors furieux et décidé, il déclare la guerre aux chiens, et fond pour l’ordinaire sur ceux qui ont derrière eux des rachées de bois ou des arbres : il découd les uns, éventre les autres. Glorieux de sa victoire, il se remet debout à sa bauge et reste toujours ferme. Le bruit de la trompe du piqueur qui vient au secours de ses chiens, les coups de fusil en l’air des tireurs éloignés, rien ne l’étonne ; le piqueur même a beau paroître mêler ses cris et les sons de sa trompe aux cris des chiens, le sanglier n’en remue pas davantage ; souvent, furieux de la présence du piqueur, il fond de préférence sur son cheval, qu’il s’efforce de découdre ; le piqueur le tire alors, et la lutte cesse ou par la mort du sanglier, ou par la fuite que le bruit de l’arme à feu a déterminée.

» Un moyen bien simple pour chasser un sanglier de sa bauge, consiste à mettre au col de deux chiens d’entreprise, un grelot attaché après un collier de cuir. Le bruit du grelot, joint à la voix des chiens qu’il entend approcher, l’étonne et le fait partir, et il laisse ordinairement une distance de trente à quarante pas entre lui et les chiens ; de cette manière, vous évitez un combat meurtrier.

» Je vais indiquer encore aux amateurs un autre expédient pour empêcher les chiens trop hardis d’approcher de près un sanglier qui leur fait ferme, et pour les faire rester, toujours en l’aboyant, assez éloignés de lui pour n’en être pas blessés.

» Lorsqu’en chasse, vous aurez tué un sanglier, et qu’à l’hallaly tous les chasseurs seront réunis, le plus fort et le plus robuste d’entre eux, pendant que les chiens sont acharnés à fouler l’animal, saisira, de chaque main, une écoute ou oreille de sanglier qu’il mettra sur le ventre, ses deux traces ployées dessous et son cou placé entre ses jambes : après avoir renvoyé tous les chiens en tête, il présentera la hure à ceux qui lui font face : tous les chasseurs avec lui amèneront les chiens de la voix, afin qu’ils se jettent sur le sanglier ; il agitera la hure et en donnera des coups de boutoir sur le nez de tous les chiens qui approcheront pour la mordre : s’ils reculent et si le sanglier n’est pas trop pesant, il le traînera et avancera sur eux pour les bourrer tous ; il cessera quand il aura forcé toute la meute à s’écarter et à tenir le sanglier à l’abois. Vous répéterez cette manœuvre pendant plusieurs chasses ; vous verrez, par ce moyen, que vos chiens se méfieront toujours d’un sanglier qui leur fera tête, et qu’ils resteront toujours écartés de lui ; par-là, vous conserverez votre équipage. » (Essai de Vénerie, deuxième édition, pag. 50 et suivantes.)

Si le sanglier lancé s’accompagne d’autres bêtes, il est rare que les bons chiens prennent le change, parce que l’animal échauffé laisse un sentiment fort, qui ne permet guères aux chiens de se méprendre. Quand on voit le sanglier par corps, on crie vloo, et si le veneur a une trompe, il sonne la vue. Un jeune sanglier de trois ans est difficile à forcer, parce qu’il court très-loin sans s’arrêter ; au lieu qu’un sanglier plus âgé ne fuit pas loin, se laisse chasser de près, n’a pas grand’peur des chiens, et s’arrête souvent pour leur faire tête. Lorsque le sanglier est couru, il passe dans toutes les mares, les ruisseaux, les queues d’étang dont il a connoissance dans le pays, et il ne manque pas d’y prendre souil, c’est-à-dire de s’y coucher. On connoît qu’il est sur ses fins, lorsqu’il ne perce plus en avant, qu’il se fait battre long-temps dans le même canton, qu’il ne va plus que par sauts, qu’il écume beaucoup, qu’enfin il fait souvent tête aux chiens en s’acculant dans une mare ou contre une cépée, et les charge avec fureur.