Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/302

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qui la voua au mépris de ses propres enfants. Du trône sur lequel, defiant le ciel, elle s’était élevée, elle tomba si bas qu’on put voir, dans les temples de la Chrétienté, l’inimaginable et honteuse parodie de la scène de Bethléem ! La Judée avait vu son Dieu couché dans la mangeoire des bêtes de somme ; il appartenait à la Chrétienté de donner aux bêtes de somme l’autel de son Dieu pour étable !


De son côté, l’opposition du Protestantisme à la Papauté opposition souvent intempérante, sans restriction, sans prudence, lui fît beaucoup de tort. Et pourtant, il ne pouvait guère en être autrement : saignant encore sous le glaive de Rome, tremblant encore sous ses anathèmes, les Églises réformées oublièrent fatalement tous ses bienfaits, tous ses enseignements. Les injures romaines les conduisirent à l’irrévérence ; les mensonges romains à la méfiance ; l’esprit de présomption et de raisonnement trop hâtif se développa journellement. Les sectes engendrèrent d'autres sectes ; les miracles de l’Église primitive furent niés, ses martyrs oubliés — bien que leurs palmes fussent réclamées par chaque secte persécutée ; — l’orgueil, la méchanceté, l’amour du changement s’appelèrent soif de vérité et se mêlèrent au juste ressentiment de la déception.

Il devint impossible à l’homme le meilleur et le plus franc de reconnaître la plaie de son propre cœur, tandis que l’avarice et l’impiété traitaient ouvertement la Réforme de brigandage et transformaient ses reproches en sacrilèges.


Tout ce mal fut indépendant de l’étude des écrivains classiques qui trouva la foi chrétienne affaiblie et divisée et qui produisit, en conséquence, un effet beaucoup plus