Page:Ruskin - Sésame et les lys.djvu/141

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Ils allèrent de pire en pire jusqu’à la semaine de ce dernier vendredi où ils n’avaient plus même un demi-penny pour acheter une chandelle. Le défunt

concernant le Russe opulent à Paris est assez banal at, qui plus est, stupide (car ce n’est rien pour un riche de payer 15 francs pour une couple de pêches en dehors de l’époque ordinaire de ces fruits). Cependant, les deux faits-divers parus le même jour valent d’être placés côte à côte.

« Un de ces hommes est actuellement dans nos murs. C’est un Russe, et, avec votre permission, nous l’appellerons comte Teufelskine. Dans sa façon de s’habiller, il est sublime ; l’art joue son rôle dans cette mise où l’harmonie des couleurs est respectée, et où, dans d’heureux contrastes, sa révèle le chiar’-oscuro. Ses manières sont empreintes de dignité — peut-être même apathiques ; rien ne trouble la calme sérénité de cet extérieur placide. Notre ami, un jour, déjeunait chez Bignon. Quand arriva l’addition, il y lut : « Deux pêches, 15 francs. » Il paya. « Les pêches sont rares, je présume ? » se borna-t-il à remarquer. « Non, Monsieur, répliqua le garçon, mais les Teufelskines le sont. » (Telegraph, 25 novembre 1864.)

« Hier matin, à huit heures, une femme, passant près d’un tas de fumier, dans la cour pavée qui longe l’hospice récemment construit dans Shadwell Gap High-Street, Shadwell, fit remarquer à un constable du quartier un homme accroupi sur le tas de fumier, lui disant qu’elle craignait qu’il ne fût mort. Ses craintes se trouvèrent justifiées. La mort du malheureux paraissait remonter à plusieurs heures. Il était mort de froid et d’humidité, et la pluie avait fouetté le cadavre toute la nuit. Le défunt était chiffonnier. Il était tombé dans la plus effroyable pauvreté, misérablement vêtu, la ventre vide. La police l’avait à plusieurs reprises chassé de cette cour depuis le lever jusqu’au coucher du soleil, lui disant de rentrer chez lui. Il avait choisi l’endroit la plus désert afin d’y mourir misérablement. On trouva dans ses poches un sou et quelques os. Il pouvait avoir entre cinquante et soixante uns. L’inspecteur Roberts, de la division K, a ordonné de faire une enquête chez les logeurs afin de s’assurer, si possible de l’identité du malheureux. » (Morning Post, 25 novembre 1864.) (La Couronne d’Olivier Sauvage, I, le Travail.) (Note du traducteur.)

(a) Citation de Lycidas de Milton. (Note de l’auteur.)

    « Les salons de Mme C…, qui faisait les honneurs avec une grâce et une élégance parfaitement imitées, étaient encombrés de princes, de ducs, de marquis et de comtes, en fait du même public masculin que celui qu’on rencontre aux réunions de la princesse Metternich et de Mme Drouyn de Lhuys. Il y avait quelques pairs d’Angleterre et quelques membres du parlement et ils paraissaient jouir de ce spectacle joyeux et indécent. Au second étage, les tables du souper étaient chargées de tous les mets délicats de la saison. Afin que nos lecteurs puissent se faire une idée de la chère exquise du demi-monde parisien, je copie le menu du souper qui fut servi à tous les convives (environ 200) assis, à 4 heures : Yquem supérieur, Johannisberg, Lafitte, Tokai, Champagne, des crûs les plus nobles, furent servis avec abondance le matin. Après le souper, la danse fut reprise avec un surcroît d’entrain et le bal se termina par une chaîne diabolique et un cancan d’enfer à 7 heures du matin (service du matin) : « Avant que les frais gazons n’apparaissent aux paupières entr’ouvertes du matin » (a). « Voici le menu : Consommé