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CHAPITRE III

La passion.


Il y a l’amour. Tous les critiques d’art ont décrit, beaucoup ont philosophé, peu ont aimé. Trop souvent on en a vu discuter l’authenticité d’un tableau comme on ferait un droit d’hypothèque et montrer en face de la beauté une âme tranquille de commissaire-priseur. Or, le lecteur se fatigue à voir sans comprendre, il se fatigue à comprendre sans voir, mais il se fatigue aussi à voir et à comprendre sans aimer. Avec Ruskin on comprend, on voit et l’on aime, j’entends qu’on se passionne pour ou contre l’époque, le peuple, le talent de l’artiste, et qu’en apercevant les fibres vivantes, saignantes qui relient les statues ou les êtres peints à notre vie, à ses joies et à ses souffrances, à son mal et à son bien moral, on prend violemment parti. Le dilettantisme, la curiosité désintéressée des esthètes n’est pas son fait et il la flétrit. De cette passion, il tire son originalité. Vous trouverez chez Lessing des raisonne-