Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/168

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ver des étais à ses bâtisses esthétiques, dès lors se passionnant pour ou contre les thèses de Saussure, de Darwin, de Tyndall, de James Forbes, d’Alphonse Fabre, de Heim, émettant ses théories à lui sur la façon dont se meuvent les serpents et progressent les glaciers, se souvenant devant les sculptures grecques ou florentines de la variabilité des espèces, toujours préoccupé de donner à ses systèmes les apparences d’une rigueur expérimentale. Nous l’avons vu remplir ses livres d’exemples ordonnés comme des équations, d’épreuves et de contre-épreuves, et parfois de diagrammes. On l’a vu dès 1843, à Venise, étudier, au moyen du daguerréotype, des détails d’architecture qui jusque-là avaient échappé à l’attention, et dès 1849, le premier sans doute, photographier le Cervin. Il nous semble, à feuilleter ses livres, que nous tournions les pages des manuscrits de Léonard de Vinci, pages touffues, riches et hachées d’éclairs, où une notation de balistique suit un document myologique, où les croquis chevauchent sur les calculs, où les caricatures s’insinuent parmi les essais sur l’aviation, et la mécanique parmi les paysages. Comme Léonard, Ruskin a senti, en toutes choses, la beauté de la science et cherché à constituer, en toute occasion, la science delà beauté. À l’entendre, on doute parfois s’il a vécu dans les