Aller au contenu

Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tons mélodieusement assortis. On a vu un être, à tâtons, ramper vers elle, l’arracher et la dévorer. Quel est cet être ? dites : Je ne sais, c’est un acte impulsif. Mais on l’a vu arracher cette plante et l’enfouir, près de là, pour la retrouver. Quel est cet être ? — Je ne sais. Il y a beaucoup d’animaux qui enfouissent leur butin ou leur nourriture. C’est un acte sur les confins de la raison. — Mais on l’a vu demeurer devant cette plante, longtemps, à l’admirer. Quel est cet être ? — Je le sais. C’était un homme. Le sentiment esthétique est là. Et comme c’est là le propre de l’homme, rien d’humain ne doit échapper à ses prises. Munie de cet instrument d’étude, toute philosophie réellement complète examinera, dans chaque action ou idée qui lui est soumise, la part qu’y prend la nature et le rôle qu’y joue la beauté. Elle recherchera dans les âmes les lignes des paysages que les yeux ont contemplés. Elle recherchera dans les cœurs les volontés que l’aspect brillant ou terne des minéraux y a déposées. Si elle est curieuse de causes finales, elle ne dira pas, lorsqu’elle se trouve en présence de « rocs sourcilleux », comme ce penseur de jadis : « À quoi peuvent-ils bien servir ?... Ah ! ils servent de refuge aux bêtes ! » — mais elle étudiera s’ils ne semblent pas « bâtis pour la race humaine tout entière, comme les écoles et les cathédrales, s’ils