Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/265

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Toutefois n’imaginez pas que ce Guèbre amoureux de la couleur qu’est Ruskin n’en goûte point les finesses ni les harmonies. Et comme il sait le goût de ses compatriotes pour les teintes criardes, il les avertit rudement de ne s’y point livrer. « Si les couleurs étaient vingt fois plus chères, dit-il, nous aurions beaucoup plus de bons peintres. Si j’étais chancelier de l’Échiquier, je mettrais une taxe de 20 shillings sur chaque morceau de couleur et cette taxe ferait progresser l’Art beaucoup plus que la fondation d’un grand nombre d’écoles de dessin. » Regardez la Nature ! « Elle est économe de sa couleur. Vous croiriez, à la façon dont elle peint, que ses couleurs lui coûtent quelque chose d’énorme : point du tout ! Elle ne donnera qu’une seule touche, là juste où le pétale se tourne en une lumière, mais au bas, dans la clochette, tout est assombri, et sur le pétale, tout est adouci, même dans la fleur la plus voyante. Parfois la Nature est d’une avarice sordide, intolérable ; ainsi pour la gentiane, elle mesure parcimonieusement l’outremer qu’elle met dans la clochette. » Comme elle, il faut être amoureusement ladre de ses couleurs.

Un prodigue d’outremer ou de vermillon n’aime pas les belles couleurs mieux que le bon coloriste ni même moitié autant. Mais il se permet des excès, et alors c’est