Page:Ruskin et la religion de la beauté.djvu/85

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occupé à bâtir quelque annexe à Brantwood manque d’argent et lui demande une avance. Rnskin la lui donne, puis lui présente un reçu pour qu’il le signe. Beaucoup d’hésitation et d’embarras suivent ce geste si simple, et l’ouvrier finit par dire, en son dialecte : Ah mun put ma mark ! Il ne savait pas écrire ! Alors Ruskin se lève, tend les deux mains au maçon stupéfait et lui dit : « Je suis fier de vous connaître ! Je comprends maintenant pourquoi vous êles un parfait ouvrier ! »

À certains de ces traits, inattendus et paradoxaux, on pourrait parfois s’imaginer que la physionomie du maître est un masque et son originalité une parure dont il s’enveloppe, à la façon des Esthétes, ses ennemis personnels, qu’il a très fort et très constamment blâmés. Il n’en est rien. Sa franchise, en même temps qu’elle lui inspira les plus absolues contradictions et les plus étranges violences, l’a gardé de toute affectation. Aucun homme ne vécut plus bourgeoisement de la vie de famille, de gentleman former, de voisin aimable et attentif, conservant sa glacière bien froide et sa serre bien chaude pour donner de la glace ou du raisin aux habitants du village, lorsqu’ils en ont besoin, mais ne mettant rien ni dans son costume, ni dans ses manières, ni dans sa maison, qui puisse les étonner. Aucune recherche « esthétique » de cos-