Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/73

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pures ne peuvent jamais trancher des problèmes de l’existence réelle : le monde de la raison gouverne, dans un certain sens, le monde des phénomènes, mais il n’est jamais créateur de phénomènes et dans l’application de ses résultats au monde de l’espace et du temps, les approximations et les hypothèses commodes lui font perdre de sa certitude et de sa précision. — Les objets dont s’occupent les mathématiciens ont été pour la plupart suggérés, dans le passé, par des phénomènes : mais l’imagination abstraite devrait se libérer entièrement de limitations de ce genre. Il faut donc promulguer une liberté réciproque : la raison ne peut s’imposer au monde des phénomènes, mais les phénomènes ne peuvent pas non plus limiter le privilège qu’a la raison de traiter de tout objet que son amour de la beauté croit digne de considération. Ici, comme ailleurs, nous construisons nos propres idéaux avec des fragments trouvés dans le monde ; et à la fin, on ne saurait dire si le résultat est une création ou une découverte.

Il est très désirable, dans l’enseignement, non seulement de persuader l’étudiant de la véracité des théorèmes importants, mais aussi de le persuader d’une manière qui, sous tous les rapports, soit la plus belle possible. Le véritable intérêt d’une démonstration n’est pas, comme le feraient croire les méthodes traditionnelles, entièrement porté sur le résultat ; s’il