Page:Russell - Le Mysticisme et la Logique.djvu/85

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diversité ; et, par là, leur ensemble forme ce qu’on appelle en logique un « univers du langage ». Un univers du langage ne suppose rien d’autre, comme le montre cet exemple. L’importance que certains monistes attachent à ce fait que n’importe quel chaos peut devenir un univers, uniquement en se couvrant d’un nom, me paraît incompréhensible. »

Il nous reste donc deux espèces d’unité dans le monde de l’expérience ; d’abord ce que l’on peut appeler l’unité épistémologique, que l’on doit uniquement à ce que mon monde de l’expérience est une sélection de la totalité de ce qui existe, qu’opère une expérience[1]; ensuite, cette tendance vers une unité, d’ailleurs partielle, que révèle le règne des lois scientifiques, dans les provinces du monde que la science a déjà conquises. Mais toute généralisation fondée sur l’une ou sur l’autre de ces genres d’unité serait illusoire. Ce fait que les choses dont nous faisons l’expérience ont la commune propriété de faire partie de notre expérience est un truisme dont visiblement on ne peut rien déduire d’intéressant : il est fallacieux, du fait que tout ce que nous connaissons est une expérience, de conclure que tout ce qui existe doit être une expérience. Généraliser la seconde

  1. On connaît le sens particulier du mot expérience dans la langue anglaise. (Note du traducteur.)