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LA COMPLAINTE D’OUTRE-MER.

Ainz avoit soi de nous réembre.
Celui doit l’en douter et criembre,
Por tel seignor doit l’en plorer[1]
Qu’ainsinc se lessa devoier[2],
Qui se fist percier le costé
Por nous oster du mal osté :
Du costé issi sanc et ève[3]
Qui ses amis nétoie et lève.

Rois de France, qui avez mis
Et vostre avoir et voz amis
Et le cors por Dieu en prison[4],
Ci aura trop grant mesprison
S’à la sainte terre failliez.
Or covient que vous i ailliez
Ou vous i envoiez de gent,
Sanz espargnier or ne argent,
Dont li droiz Dieu soit calengiez[5].
Diex ne veut fère plus lons giez[6]
A ses amis, ne longue lenge[7] ;
Ainçois i veut metre calenge,
Et veut cels le voisent véoir
Qu’à sa destre voudront séoir.

    l’action de boire beaucoup. C’est ce que prouve un petit poème intitulé De guersay, qu’on trouvera dans mon Recueil de contres et de fabliaux. On rencontre aussi cette expression guersoi dans Le roman du renart.

  1. Ms. 7615. Var. Orer.
  2. Ms. 7633, 7615. Var. Dévorer.
  3. Ms. 7633. Var. Eigue.
  4. Allusion à la captivité de saint Louis pendant la première croisade.
  5. Ms. 7615. Var. Espargniez. — Calengiez est pris ici dans le sens de défendu, protégé.
  6. Giez, liens, attache.
  7. Lenge, longe.