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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

surtout de payer les dettes du mort, chose qu’on oubliait toujours la première.

De leur côté les soigneurs laïcs, qui ne cherchaient que l’occasion de prendre et de piller, ne laissèrent pas échapper celle-ci. Enhardis par l’exemple du clergé, ils revendiquèrent la succession des intestats, et cette rapine, s’étant enracinée par l’usage, devint un droit seigneurial, qu’ils affermaient ou vendaient avec les autres prérogatives de leurs terres. Celui des évêques se trouva ainsi réduit aux clercs de leurs diocèses. Encore les laïcs l’usurpèrent-ils souvent, puisque différents conciles de Rheims en 1092 et 1131, de Clermont et de Nîmes en 1095, furent obligés de le leur défendre. Bientôt d’ailleurs chacune des deux puissances sut de son côté l’accroître et l’étendre. Mille accidents imprévus peuvent faire mourir un malade avant qu’on le croie ou qu’il se croie lui-même assez mal pour demander un confesseur et faire son testament : ces sortes d’intestats involontaires furent traités néanmoins comme ceux qui l’étaient par opiniâtreté et d’après un refus formel. Un voyageur mourait-il en route, ses biens appartenaient à l’évêque du diocèse. L’avarice et la mauvaise foi allèrent même, ce qu’on croira difficilement, jusqu’à comprendre dans ce nombre les personnes qui étaient frappées de mort subite. Enfin le brigandage devint si criant que les souverains crurent devoir y remédier.

On distingua donc deux sortes d’intestats, et il ne fut plus permis de regarder comme tels que ceux qui, ayant été alités pendant quelques temps, mouroient desconfez (sans confession). Les lois données en Normandie par les rois d’Angleterre fixèrent ce terme à quatre jours. Saint Louis dans ses Établissements en exige huit ; mais, si l’on a passé ces huit jours sans se confesser, il permet en cas de mort, ainsi que les lois normandes, au baron ou au seigneur haut-justicier, de s’adjuger le mobilier du desconfez.

Je ne cesserai de le répéter, l’autorité royale était trop faible pour détruire par sa volonté suprême de pareils abus, tout ce qu’elle pouvait était de les modifier. En 1267, sur