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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

cors, qu’il les vos puist ronpre ! Ge di de ce delà la voie. Volez-la donques véoir, de par Dieu ; dites oil ou nenil, et nous vos la mosterrons de par sa mère ; mais ge vo dirai une chose qu’il est : quant je parti de monseignor mon maistre qui cest mestier m’aprist, si me fist jurer sur sainz que je ne la mosterroie devant ce que je l’auroie conjurée, et je la conjurerai. Si escoutez le conjurement : « Cocula en aussia que tabencia que natalicia volus polus laudate. » Prime meure. » N’i a tel com le pain ; .iii. solz, .iii. pez ; l’abaie est riche, et plentissimus haranc.

Au col dès le tens Herbelin de Saint-Pol qui fu moitié home et moitié feme, et la tierce part chevax, et il me vint et ge li .xxx., et il ne saut et ge li lance. Il me prist par les rains et ge lui par les chaelons ; il me prist par les temples et ge lui par les hospitax ; il me fist .iii. tors, et ge lui trois chasteax ; il me fiert el nés et ge lui ès bateax ; il me fiert en griève et ge lui en Chanpeax ; il me fiert de ses coutes et ge lui de mes coissins. Tu es fox[1] et tu souflez. Que me vels-tu ? que te vueil-ge donc ? Ne li vilain si aese. Amors ai à ma volenté qui me griève trop.

Diex[2] vos saut, amis ! Diex bénéie, bluteax ! d’om estes-

  1. Fox, soufflet de forgeron.
  2. Ce passage a une singulière coïncidence avec le début d’une petite pièce intitulée Li Riote de l’ monde, qui se trouve dans le Ms. 7595 (bibliothèque du roi), et que je me disposais à publier lorsque M. Francisque Michel la mit au jour (Paris, Silvestre, 1834). Plusieurs des plaisanteries de notre passage sont même textuellement pareilles à celles de la Riote. Voici le commencement de cette pièce, dont le nom signifie en terme propre, et surtout très justement appliqué ici : Bavardage.

    — « Je me chevauchoie d’Amiens à Corbie ; s’encoutrai le roi et sa maisnie. — A cui es-tu ? dist-il. — Sire, je suis à mon signor. — Qui est tes sires ? — Li barons me dame. — Qui est ta dame ? — La fame monsignor. — Comment as-tu à non ? — Ausi come mes parrins. — Comment a non tes parrins ? — Ausî com jou. — U vas-tu ? — Je vois chà. — Dont viens-tu ? — Je vieng de là. — Dont ies-tu ? — Je suis de no vile. — U est te vile ? — Entor le moustier. — U est li moustiers ? — En l’atre. — U est li atres ? — Sor terre. — U siet cele terre ? — Sor l’iaue. — Comment apiel-on l’iaue ? — On ne l’apiele nient ; ele vient bien sans apieler, etc. » La conversation continue sur ce ton-là avec le roi, et renferme des choses fort curieuses comme détails de mœurs.

    La Riote de l’ monde se retrouve en vers dans le Ms. de la bibliothèque harléienne, no 2253, sous ce titre : le Jongleur d’Ély et le roi d’Angleterre. Cette version a été éditée à Londres, en 1813, par M. Francis Palgrave, et en France par M. l’abbé Delarue (Histoire des Trouvères