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NOTES

vos ? — D’ome sui-ge. — De quel home ? — De char et d’os. — De quel terre ? — En volez-vos faire poz ? — Où fustes-vos nez ? — Je ne fui onques ne nef ne bateax. — De quel vile estes-vos ? — De la vile enprès l’aitre. — Où siet li aitres ? — Entor le mostier. — Où siet li mostier ? — Sor terre. — Et où est la terre ? — Sor l’aive. — Comment apele l’en l’aive ? — L’en ne l’apele pas, qu’ele vient bien sanz apeler[1].

Ge vos di, beau seignor, que s’il n’avoit plus dedenz ceste boiste que les bones paroles et l’erbe qui i est, si devriez-vos avoir ferme créance qu’il vos devroit bien faire, et ge la vos monsterrai, de par Dieu. Or dites après moi : « Bénoite soit l’eure que Diex fu nez ! et ceste-ci soit ; » et je vos monsterrai la dame des herbes. In nomine patris et filii et spiritus sancti. Amen ! Ceste dame herbe, il ne la trest ne giex[2], ne paiens, ne sarrazins, ne crestiens ; ainz la trest une beste mue, et tantost come ele est traite, si covient morir cele beste. Cuidiez-vos que ge vos giffle ? ele muert par angoisse de mort. Vos ne savez pas por quoi la dame des herbes est bone, se ge ne le vo di ; mais je le vos dirai. Prenez-moi sempres de ceste dame d’erbe. Si vos en desgrimez par .vii. jors et par .vii. nuiz ; .iii. fois le jor à géun, et au soir quant vos irez couchier. Ge di que por tertre avaler, ne por tertre monter, ne por fooir, ne por hoer, ne por corre, ne por troer, piez ne bras ne vos dieu-

    anglo-normands, 1er  vol., p. 285), ainsi que par M. Francisque Michel, dans sa publication déjà citée.

  1. Rien ne ressemble plus à ce passage de notre pièce que les paroles suivantes de Cyrano de Bergerac dans le Pédant joué : « Où vas-tu, bon homme ? — Tout devant moi. — Mais je te demande où va le chemin que tu suis. — Il ne va pas, il ne bouge. — Pauvre rustre ! ce n’est pas cela que je veux savoir : je te demande si tu as encore bien du chemin à faire aujourd’hui. — Nanain dà : je le trouverai tout fait. »

    Malgré un intervalle de plusieurs siècles, on voit que la plaisanterie est restée la même, elle se continue encore de nos jours dans ces fameuses paroles des ombres chinoises : « Eh ! bonhomme, quel est ton nom ? — J’ai nom tout comme mon père. — Comment se nommait ton père ? — C’est le secret de ma mère. — Vend-on du vin dans cette auberge ? — On en vend plus qu’on n’en donne. — La rivière est-elle profonde en cet endroit ? — Les canards l’ont bien passée, etc.

  2. Juif.