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ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

Qu’il put à Dieu et à sa mère.
Orgueil put plus que ne fait sete,
Mès Humilité est si neste,
Si debonère, si bénigne,
Si plésant, si douce, si fine[1],
Si sainte, si pure, si monde,
Qu’à Dieu plest et à tout le monde.
La letre dit, n’en doutez mie :
« Qui s’essauce si[2] s’umélie,
Qui s’umulie Dieux l’essauce. »
Humilitez les humbles hausse,
Humilité les siens esliève ;
Mais orguex qui si fort s’esliève[3],
Qui dusc’au ciel se velt lever,
Les siens ne fet fors que grever.
Orgueil les orgueilleus avale,
Orgueil fet home megre et pâle,
Orgueil fet home nesciant[4],
Orgueil fet home resdiants[5].
Orgueilleus hons a male vie ;
Car tout le cuer li runge envie :
Si près de lui se place et muce
Que tout le sanc li boit et suce.
Orgueil est trop suscent sensue,
Orgueil tout jorz tout son sanc sue
Quant voit nului qui le surmonte ;
Mès humilité si se donte
Que nule foiz n’a nule envie
De nul bien que nus ait en vie.

Totes et tuit, sachiez de voir
Nule vertuz c’om puist avoir,
Rien ne li valt ne li profite
S’umilité en lui n’abite.
Amer ne puet Deu à nul fuer
Homme qui n’est humbles de cuer.
Li Roi du ciel, nostre doux Père,
Ama moult mielz sa douce Mère

  1. Ms. 6987. Var. Digne.
  2. Mss. 2710, 7987. Var. Dix.
  3. Ce vers manque au Ms. 1672.
  4. Mss. 7987, 2710. Var. Soussiant, susiant.
  5. Ms. 7987. Var. Mendiant.