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Page:Ryner-Les paraboles cyniques-1922.djvu/23

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pas à la source haute. Il fallait, pour aboutir à une telle invention, une pensée singulièrement appliquée aux choses basses. Et il n'a rien donné qui corresponde aux besoins sains de l'homme. Quelle chose a-t-il produite qui puisse satisfaire ta faim, ou te protéger contre le froid, ou te mettre au-dessus de la crainte et du désir ? Il est plutôt l'empoisonneur qui, entre la source et la cité, a interposé la fabrique ; et il salit les eaux, alourdissant de reflets métalliques et fétides ce qui vient vers notre bouche.

Psychodore se tut un instant et ses lèvres, tout à l'heure plissées comme dans la nausée, devenaient lentement un sourire.

— La nature, continua-t-il, a voulu que les fruits, les viandes et les autres choses nécessaires se conservent peu de temps. Cette sage prévoyance avait établi entre les hommes une fraternité et comme une nécessité de bienfaits réciproques. Autrefois, celui qui avait trop de nourriture en donnait à son voisin, même si le voisin ne possédait rien qui fût objet de troc. La générosité était le seul remède à la souffrance de voir du bien pourrir inutile.

Les yeux du philosophe semblaient regarder un lointain et joyeux horizon. Une tristesse, au contraire, les fermait presque tandis qu'il achevait son discours :

— Aujourd'hui, hélas ! la monnaie permet d'échanger ce qui périrait contre une matière durable, sans usage et sans valeur par elle-même, mais que notre folie accepte comme richesse réelle. Sous une forme aussi dure qu'un cœur