Page:Ryner-Les paraboles cyniques-1922.djvu/24

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de riche, celui qui a trop entasse ce qui manque aux autres ; et il dresse, avec la faim des pauvres, l'édifice de sa puissance et de leur servitude. L'inventeur de la monnaie a perfectionné quelque chose : il a perfectionné la tyrannie et l'esclavage ; il a rendu durable, solide et croissante l'inégalité qui était précaire, légère et incertaine. Il est le père de myriades de meurtres, de myriades de mensonges, de myriades de violences et de myriades de bassesses. A-t-il prévu quelques-uns de ses crimes et les a-t-il voulus, brigand qui rit sous un masque ? Je ne crois pas. Il était plutôt celui dont la pensée vile nuit quand elle veut servir, celui qui n'a à donner que son ordure et qui répand sa fiente au hasard, aussi bien sur le pain qu'on vient de cuire que sur le champ qu'on va ensemencer...

— Pourtant, objecta Excycle, les peuples le louent et éternellement le loueront.

— Le noble argument pour un philosophe ! s'écria Eubule.

Mais Psychodore :

— Entendez une parabole :

*
*    *

Un homme dit à un troupeau de moutons :

— Aimez-moi. Car j'ai aiguisé avec art le couteau dont on vous égorgera. Acclamez donc votre bienfaiteur.

Or les moutons bêlèrent tous ensemble. Mais je ne devinai point si le bêlement approuvait. Le bêlement des troupeaux et des peuples acclame