Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/110

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XVI

Depuis le combat singulier, nous vivions sous une inquiétude. Aristote me disait souvent :

— Ne t’écarte pas. Il y a sûrement une fourmilière trop près de chez nous. Gare aux isolées surprises par l’ennemi.

Je demandais :

— L’ennemi, c’est tout étranger ?

Ma chère Aristote me regardait avec un étonnement presque triste et le mouvement rapide de ses antennes avait je ne sais quoi d’exclamatif que je ne crois pas trop mal traduire :

— Parbleu !

Par une après-midi écrasante de chaleur, je traînais un grain, lorsque je vis, près de notre cratère, une fourmi de l’autre nid. Elle courait affolée, allant et venant, se cachant derrière les herbes. Plusieurs troupes des nôtres étaient par là et la pauvre égarée avait peu de chances de passer sans être aperçue, sans que son odeur infecte attirât nos braves patriotes, comme odeur de charogne attire les corbeaux.