Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/127

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Nous nous jetâmes sur la chenille, l’accablant de nos coups. Elle s’agita désespérément, presque tout de suite hors d’état de fuir. Nos mandibules et nos aiguillons s’enfonçaient voluptueux dans sa chair molle. Bientôt les convulsions de l’agonie cessèrent.

Le difficile était de transporter cette proie encombrante au sommet de l’escalier gigantesque. Pendant des heures, nous relayant continuellement, nous avions essayé de lui faire franchir la hauteur colossale du premier rocher. Toujours, au début même de l’ascension, la chenille retombait, entraînant dans sa chute la foule cramponnée à son corps.

Par la faute de mes réflexions humaines, j’étais souvent la première à me décourager. Quand Aristote était là, j’avais honte de ma lâcheté et je n’osais guère abandonner le travail. Aristote, ce jour-là, était absente. Je m’éloignai avec un geste d’indifférence, tandis que mes camarades recommençaient interminablement l’inutile ascension, se meurtrissaient, obstinées, à la même chute indéfiniment renouvelée.

Je rencontrai mon amie. Je songeai que l’expédition malheureuse ferait l’objet de beaucoup de conversations. Certainement on lui exposerait le problème. On lui dirait : « Toi si ingénieuse aurais-tu trouvé un moyen ? » Puisqu’elle n’ignorerait rien, je m’empressai de raconter moi-même.