Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/128

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Elle alla voir, se mêla aux travailleuses, fut une fois, du nombre de celles qui grimpaient lourdement chargées, de celles qui tombaient avec le fardeau roulant.

Une seule fois !… Je fus très étonnée de la voir s’éloigner après celle unique tentative. Un long moment, elle se tint à distance, immobile, les antennes tendues vers l’insurmontable obstacle, en une attitude de méditation profonde. Je restais auprès d’elle sans troubler ses réflexions.

Tout à coup, ses antennes frémirent, résolues. Puis elle stridula un chant triomphal et elle eut des mouvements de joie étrange, des mouvements de joie folle qui évoquèrent en mon cerveau gauche l’image d’Archimède courant les rues de Syracuse et clamant : Eurêka ! Eurêka !

— Viens, me dit-elle. Prenons quelques camarades avec nous. Tu verras.

Nous voici nombreuses à la suite d’Aristote ; elle se dirige vers la fourmilière, elle y entre, marche longtemps dans les souterrains, sans que nous puissions deviner où elle va.

Elle s’arrête enfin, antennes tendues, tourne sur elle-même. Puis ses antennes touchent les parois du mur, longuement, lentement, comme si elles y cherchaient quelque chose. Ses palpes et ses pattes antérieures étudient aussi :

Elle se tourne vers moi, me dit :