Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/146

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dédaignées. Nous ne nous rencontrions plus sans nous dire :

— Il nous faut des pucerons !

Isolées ou par bandes, plusieurs essayèrent d’aller voler un peu de ce lait dont la soif nous torturait. Elles périrent toutes, victimes de leur âpre convoitise.

Aristote avait beau nous prêcher le calme mépris des biens qu’on n’a pas, nous vanter la saveur douce du blé qui se fluidifie en sucre, la saveur sauvage des gibiers qui abondaient : nous ne désirions que ce qui nous manquait et de plus en plus notre gourmandise exclusive nous éperonnait aux pires aventures. Toutes, les unes après les autres, nous irions nous faire tuer pour essayer de conquérir une goutte de lait.

Aristote, vaincue par notre obstination, promit enfin d’organiser la conquête. Elle nous demanda deux jours pour les études préalables et nous pria de renoncer aux meurtrières tentatives isolées.

Le délai passa, et l’expédition eut lieu. Jamais peut-être le génie de mon amie ne se manifesta plus admirable.

Elle avait employé les deux jours à faire examiner les habitudes des fourmis propriétaires. Nous savions que leur nid était à quelque distance à droite de l’arbre où se dressaient les étables et nous devinions que l’arbre et la fourmilière