Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/154

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mandibules ou morts de faim, et les jeunes nombreuses commençaient à égayer la cité.

Enfin, la terre, pénétrée de chaleur, disait prochain le moment de la fécondation. Quelques jours encore, et nous serions enrichies d’une ou deux femelles pondeuses qui, toute leur vie, peupleraient notre nid. Au printemps, nous serions plus plus puissantes qu’avant le désastre.

Avec quel soin joyeux on dégagea de leurs cocons mâles et femelles.C’est un travail plus délicat encore que la délivrance des ouvrières. Car l’insecte sort du sommeil nymphal avec de pauvres ailes toutes froissées et qu’il faut étendre sans déchirer le frêle tissu. Ces quatre éventails aux nervures fines, à la toile mince, ployés sans précaution par la nature indifférente, roulés avec le reste du corps dans le linceul serré, s’enfoncent presque dans le thorax et l’abdomen ; et les plis de chacun se mêlent, absurdes, aux plis des trois autres. Il faut les séparer, il faut les écarter du corps, il faut les déployer sans déchirer un lambeau d’étoffe, sans tordre ou casser une nervure.

Ensuite, il faut nourrir ces êtres trop jeunes, mal éveillés de leur naissance et qui, d’ailleurs, resteront gauches, maladroits à toute œuvre pratique, incapables de trouver d’eux-mêmes de quoi manger et de porter les aliments à leur bouche. Car au pays des fourmis, où la majorité n’a pas