Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de sexe, les êtres sexués sont, naturellement, les plus ineptes des spécialistes.

Il faut exercer sur les mâles une surveillance sévère. Si les femelles ne sont, jusqu’aux fièvres du jour nuptial, que des imbéciles, les mâles, dès la première heures, sont des fous. Dès qu’ils peuvent marcher, ils iraient au hasard, dispersés, perdus dans toute la fourmilière, sortant quand la sortie serait devant eux, continuant n’importe où leur marche ivre, se livrant ignorants à tous les dangers, pauvres êtres sans raison et sans aiguillon, fourmis aux nobles ailes, mais aux mandibules sans force et sans adresse, inaptes à défendre contre le moindre ennemi ou contre la faim. Heureusement, nous les rassemblons dans les mêmes cases, nous ne les laissons pas échaper un instant à nos soins et, même, quand on les conduit prendre l’air hors de la fourmilière, on les garde comme un troupeau d’insensés.

Je voyais leur faiblesse, leur inintelligence, leur manque d’industrie ; je savais qu’ils étaient destinés, dans quelques jours, aussitôt devenus inutiles, à la mort. Pourtant je ne pouvais m’empêcher d’admirer leur élégance élancée, leurs ocelles jolis, leurs yeux plus brillants que les miens et découpés en facettes plus nombreuses. J’étais jaloux de leurs ailes transparentes et délicates. Des longs instants, je regardais le tissu