Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/158

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douceur tremblante de sa réponse. Car, cette fois, après une hésitation, les pauvres antennes inhabiles au langage s’essayèrent à répondre, toutes frissonnâmes et bégayantes. Elles balbutièrent :

— je ne puis désirer la mort de mon ami… Je me lamentai :

— Quel prix peut avoir une vie privée de tes baisers ?

Les naïves antennes grelottèrent :

— Je t’aime bien, mon ami. Mais mes antennes se dressèrent, agitées, comme un cri de désespoir :

— Oh ! l’horreur de l’amour impuissant…

Marie, immobile, appuyée au mur comme si ses pattes ne pouvaient plus la porter, longtemps pleura des harmonies.

Je l’implorai :

— Demain, va-t-en bien loin, bien haut, que je ne voie pas le baiser qu’un autre te donnera.

— Oui, promit-elle, j’irai bien haut, loin de toi, subir l’amour auquel je ne puis échapper et qui ne peut me venir de toi.

Mais, écrasé entre deux douleurs, je repris :

— Oublie mes paroles égoïstes. C’est ta mort que je te demandais, misérable jaloux que je suis ! Mais je veux que tu vives, j’ai besoin que tu vives, j’exige que tu vives. Reste près de la fourmilière, sous mes yeux, je t’en prie. Dès que tu seras ; fécondée, c’est moi qui tuerai ton mâle. Après