Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/157

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On s’étonnait à voir mes antennes caresser les siennes pendant des minutes et des minutes en une conversation animée. On me demandait :

— Ou’as-tu donc à dire à cette imbécile ?

En effet, elle manquait un peu de conversation. C’est moi qui parlais presque tout le temps à des antennes gauches, gourdes, inhabiles à la pensée précise et à l’expression. Mais j’étais heureux comme si une très belle fille, presque muette de timidité, répondait à mes amitiés par d’émouvantes pressions de mains. Car souvent la pauvrette-– que ma pensée gauche nommait Marie pour sa naïveté — me stridulait des musiques reconnaissantes.

La veille du jour où l’on permettrait à tous ces pauvres êtres de s’accoupler, je multipliai mes prévenances. Pourtant j’étais rongé d’une affreuse jalousie. Mes antennes dirent aux pauvres antennes maladroites :

— Quel dommage que je ne sois pas un mâle ! Marie pleura une musique douloureuse, mais ses antennes ne répondirent point. J’interrogeai :

— Tu ne regrettes pas que je ne sois pas un mâle ?

Oh ! la beauté de ses yeux chargés de mille pensées, de mille sentiments, et de la volonté de dire tant de choses qui étaient en elle, et de l’impuissance comprise d’en rien exprimer. Oh ! la