Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/167

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où je n’étais jamais entré. La fourmi aux sens plus nombreux ; la fourmi, palais de toutes parts ouvert aux voluptés, devait, dans le baiser, être éclairée de bien autres lumières que la misérable chaumine humaine si fermée, si obstruée !

J’avais connu une nuit chargée de nuages, et les pauvres rayons tamisés de la lune m’avaient pénétré d’ineffables bonheurs. Mais Marie ! mais Marie ! Elle avait connu, elle, le grand ruissellement du soleil par un midi d’été.

Et j’étais parfois comblé comme d’une étrange caresse, quand nos membres se touchaient, quand surtout, ainsi qu’en un baiser d’oiseau, je dégorgeais dans sa bouche ouverte et contente quelques gouttes de nourriture.

Souvent, au contraire, je m’irritais contre les tourments qui me venaient d’elle ; je m’irritais de ce qu’aucune vraie joie ne pouvait me venir d’elle ; je m’indignais à me sentir esclave d’un irréalisable désir et d’un regret sans mémoire. En ces moments, des tentations me soulevaient de tuer l’im-fâme femelle e’t de supprimer ainsi l’envoûtement d’amour qui me clouait aux lieux déshonorés de sa présence stupide.

Même cette satisfaction sanglante était refusée à mon amour et à ma haine. Marie était la meilleure de nos six pondeuses. La communauté la considérait comme le trésor le plus précieux. On