Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/187

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chassée de la patrie froide, humide, moins belle à coup sûr et plus pauvre que la nôtre, à laquelle pourtant elle conservait une tendresse nostalgique.

Les amazones, ces grands barbares roux, passaient dans ses récits comme des êtres ineptes et formidables. D’après Hannibal — depuis mon anamorphose j’ai vérifié, et ses renseignements étaient exacts — ces êtres terribles sont incapables de bâtir ou de creuser ; il ne savent même pas nourrir leurs oc-ufs et leurs larves, dégager leurs nymphes, apprendre à marcher à leurs enfants. Ils n’ont aucun instrument de travail. Leurs mandibules ne peuvent servir ni de ciseaux, ni de scies, ni de truelles. Longues, polies, recourbées et terminées en pointe, elles ne sont que des armes, des glaives pénétrants, impropres à tout autre usage que le meurtre, incapables même de prendre la nourriture et de la porter à la bouche.

Les amazones ont donc besoin d’esclaves comme les larves ont besoin de nourrices. Elles passent toute leur vie à la guerre, n’ont d’autre occupation que d’attaquer leurs voisins pour voler des nymphes qui augmenteront bientôt le nombre de leurs serviteurs.

J’interrompais les récits pour m’écrier :

— Je voudrais bien voir un de ces êtres extraordinaires.

Mais Hannibal répliquait, toute tremblante :

— Souhaite de n’en voir jamais !