Page:Ryner - L’Homme-fourmi, Figuière.djvu/188

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XXIX

J’étais seule sur l’arbre aux pucerons. Comme des mains presque caressantes traient une vache, mes antennes, par des attouchements délicats, avaient obtenu plusieurs fois la bonne goutte sucrée et excitante. Ma gourmandise avait été excessi\e et, pour tout dire, je crois bien que j’étais un peu ivre. Toute la nature m’apparaissaiî bizarre, gaie et grotesque, remuée de gestes gauches et hilarants. Je fus très amusée quand j’aperçus, lointaine encore, mais si rapide, sinueuse et vertigineuse comme un drôle d’éclair qui ramperait, une colonne de fourmis énormes et rouges. D’une course qui était presque une danse, je me précipitai dans le nid. À l’entrée, je rencontrai Hannibal. Mes antennes lui parlèrent, lourdes et contentes :

— Quel bonheur ! On va se battre. Les amazones arrivent.

— Malheur ! malheur ! dirent ses antennes affolées.

Elle grimpa sur le cratère, revint en hâte.